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CHAPITRE IV.

quels sont les devoirs que lui impose l’honneur. Bien certainement nous admettons que dans l’abandon du radeau, les esprits étaient exaltés et que le désir de se soustraire au péril fit oublier que cent cinquante-deux infortunés allaient être abandonnés aux souffrances les plus cruelles. Nous raconterons les faits tels que nous les avons observés et tels qu’ils nous ont été transmis par quelques-uns de nos compagnons d’infortune.

Avant de poursuivre, faisons connaître comment était établi ce radeau auquel furent confiés cent cinquante individus.

Il était composé des mâts de hune de la frégate, vergues, jumelles, beaume, etc. Ces différentes pièces jointes les unes aux autres, par de très-forts amarrages, étaient d’une solidité parfaite. Deux mâts de hune formaient les deux principales pièces, et étaient placés sur les côtés et les plus en-dehors ; quatre autres mâts, dont deux de même longueur et de même force que les premiers, réunis deux à deux au centre de la machine, en augmentaient encore la solidité. Les autres pièces étaient comprises entre ces quatre premières, mais ne les égalaient pas en longueur. Des planches furent clouées par-dessus ce premier plan et formaient une espèce de parquet, qui, s’il eût eu plus d’élévation, nous eût été dans la suite du plus grand secours. Pour que notre radeau pût mieux résister à l’effort des vagues, on avait placé en travers de longs morceaux de bois, qui, de chaque côté, dépassaient