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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

au ministre de la marine, et à plusieurs des réchappés du radeau. En se promenant sur la terrasse d’un négociant Français au Sénégal, en présence de MM. Savigny et Coudein, le gouverneur l’expliquait ainsi : « Quelques hommes étaient sur le devant du radeau à l’endroit où était fixée la touline sur laquelle ils tiraient de manière à rapprocher les embarcations. Ils en avaient tiré à eux plusieurs brasses ; mais une lame étant survenue, donna une forte secousse ; les hommes furent obligés de lâcher. Les canots coururent alors avec plus de vitesse jusqu’à ce que l’amarrage fût tendu ; au moment où les embarcations en opéraient la tension, l’effort fut tel que la remorque cassa. » Cette manière d’expliquer ce dernier abandon est très adroite, et pourrait être facilement crue de ceux qui n’étaient pas sur les lieux ; mais il ne nous est pas possible de l’adopter, nous qui pourrions même nommer celui qui largua, M. R…

Quelques personnes des autres embarcations nous ont assuré que tous les canots venaient pour reprendre leur poste, et que le cri barbare de Nous les abandonnons, fut entendu. Nous tenons ce fait de plusieurs de nos compagnons d’infortune. Le désordre fut entièrement mis dans la ligne, et il n’y eut point de mesures prises pour y porter remède. Il est probable que si un des premiers chefs eût montré l’exemple, tout serait rentré dans le devoir ; mais chacun fut abandonné à soi-même ; de là plus d’ensemble dans la petite division ;