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Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/92

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CHAPITRE IV.

chacun ne songea plus qu’à se soustraire à son péril personnel.

Rendons ici hommage au courage de M. Clanet, agent comptable de la frégate, qui se trouvait dans le canot du gouverneur. Si on l’eût écouté, cette remorque n’eût point été larguée. À chaque instant un officier qui était dans cette embarcation demandait hautement : larguerai-je ? M. Clanet s’y opposait, en répondant avec fermeté : non, non. Quelques personnes se réunirent à lui, mais ne purent rien obtenir ; la remorque fut larguée. Nous regardons comme chose certaine que les autres commandans des chaloupes, voyant le premier chef de l’expédition se dévouer courageusement, seraient revenus prendre leur poste ; mais on peut dire que chaque embarcation en particulier fut abandonnée des autres. Il eût fallu dans cette circonstance un homme d’un très-grand sang-froid, et cet homme ne devait-il pas se trouver dans les premiers chefs ? Comment justifier leur conduite ? Il y a certainement quelques raisons à alléguer. Juges impartiaux des événemens, nous allons les décrire, non comme des victimes malheureuses des suites de cet abandon, mais comme des hommes étrangers à tous ressentimens personnels, et qui n’écoutent que la voix de la vérité.

Le radeau tiré par toutes les embarcations réunies, les entraînait un peu en dérive ; il est vrai que nous étions au moment du juzant et que les courans portaient au large. Se trouver en pleine mer avec des embarca-