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LA CROISIÈRE DE LA « REINE HORTENSE »

certitude qu’elle n’est pas abordable, les glaces l’enveloppent et la dépassent de 15 lieues au moins. En revenant, lord Dufferin m’a quitté. Il a voulu pénétrer plus loin, c’est impossible, et je suis un peu inquiet de lui, parce que le temps est tout à fait mauvais. Je suis actuellement en route pour retourner à Onundar Fjord sur la côte d’Islande.

J’ai passé ces trois derniers jours-ci par des péripéties bien émouvantes au milieu des glaces. C’est un spectacle des plus intéressants et des plus grandioses ; mais aussi une navigation fort dangereuse, qui exige l’attention la plus suivie. Je n’ai pas quitté le pont, et je m’en suis tiré, Dieu merci, sans accident aucun. Le thermomètre n’est jamais descendu à moins de 2 degrés au-dessous de zéro. Mais, avec le vent qu’il faisait, on sentait rudement le froid, qui était rendu plus sensible par de fréquents grains de neige. Le temps est toujours mauvais ; mais j’ai vent arrière, et je vais très vite ; j’espère être demain à Onundar Fjord. Je compte y passer un jour, aller ensuite à Dyce Fjord, golfe à peu de distance d’Onundar Fjord et de là à Reykjavik, d’où j’expédierai un bâtiment pour France avec les lettres. Je me porte assez bien ; le grand air me donne de l’appétit, et je ne souffre pas du froid autant que je l’aurais cru. Quant à dormir, je crois que je ne saurai bientôt plus comment cela se fait. Mai la nécessité de veiller au salut commun me soutient.

J’aurais voulu pouvoir débarquer sur la banquise, et y faire servir un repas ; la grosse mer ne l’a pas permis. Cependant le Prince et moi sommes allés en canot débarquer sur un glaçon dont nous avons rapporté un morceau à bord ; nous en avons chassé les phoques, qui, tout étonnés, venaient de temps en temps mettre le nez hors de