J’ai interrompu cette lettre pendant plusieurs jours, ma bonne petite fille, pendant lesquels j’ai eu mille contrariétés. Les coups de vent contraires se sont succédé à ce point que j’ai été obligé, à mon excessif regret, d’abandonner mon projet d’aller directement aux Féroë et aux Shetland. Après neuf jours de départ du Groenland j’étais encore à cent vingt lieues des Féroë. Un nouveau coup de vent et la diminution de mon charbon et de mon eau douce m’ont déterminé à aller à Reyjawik, dont je n’étais qu’à cent lieues.
J’y suis arrivé le 12 et j’ai trouve en rade une goélette à vapeur hollandaise ayant à bord le prince d’Orange, fils aîné du roi de Hollande [1] C’est un jeune officier de marine, âgé de seize ans, et qui est d’une maturité au-dessus de son âge. Nous avons été unanimes pour reconnaître qu’il était parfaitement bien. Les deux bâtiments se sont fait des politesses réciproques. Il y a eu quelques difficultés pour savoir lequel des deux princes se ferait la première visite. J’ai arrangé la chose à la satisfaction des deux. Le Hollandais est venu le premier. Le temps me pressait beaucoup ; j’aurais pu partir le 13 au soir mais la présence du Hollandais me forçait à rester pour célébrer la fête du 15 août. Le Prince voulait absolument partir parce que toutes ces fêtes-là l’ennuient. Mais j’ai refusé net. Et alors nous nous sommes disposés à célébrer cette fête avec le plus d’éclat possible.
J’avais là quatre bâtiments français, la Reine Hortense, l′Artémise, la Perdrix, et l’Aigle. Nous avons pavoisé, canonné, visité, mangé et fait chanter un Te Deum à l’issue de la messe à bord de l′Artémise. Grand dîner à bord de la Reine-Hortense, punch général le soir à tous
- ↑ . Prince Guillaume d’Orange (1841-1879) fils aîné du roi Guillaume III de Hollande et de la princesse Sophie de Wurtemberg.
