Page:Correspondance intime de l'amiral de La Roncière Le Noury avec sa femme et sa fille, 1855-1871. T. 1,.djvu/98

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correspondance la roncière

bateau à vapeur pour nous y conduire ; mais aucun n’était disponible. Il y avait bien la ressource de prendre un bateau à voiles. Mais il faisait très grand vent et je ne jugeai pas prudent d’aventurer ainsi le Prince. Nous commandâmes donc une voiture. Je tâchai de changer mon argent français, impossible ; personne n’en voulait. Nous permîmes à Pisani de s’acheter une brosse à cheveux ; nous payâmes à la poste un compte de lettres assez fort ; le Prince prit seul une tasse de thé, nous écrivîmes quelques lettres dont on nous fît payer le papier et les enveloppes 4 francs, et nous partîmes d’Inverness avec 7 schellings et mes 100 francs. À l’hôtel, où on avait, il faut le croire, senti que nous n’avions pas le sou, on nous avait traités comme de vrais cuistres ; je leur ai donné une rude leçon. Au moment où nous montions en voiture, j’ai dit au maître de l’hôtel qui il venait de recevoir, et j’ai inscrit le nom du Prince, comte de Meudon, et les nôtres, sur le registre, avec cette apostille en anglais : « Dans son voyage à travers l’Écosse, le comte de Meudon n’a été mal reçu qu’au Caledonian Hôtel, à Inverness. » Et j’ai signé. Lorsque tous ces drôles surent à qui ils avaient affaire, il fallait voir les figures changer, à commencer par le maître d’hôtel qui voulait absolument me changer mon argent français. Je le traitai de la bonne façon, l’envoyai promener, et je donnai libéralement un napoléon à un homme qui n’appartenait pas à l’hôtel et qui m’avait fait une commission, de manière à ce que tout le monde le vît. Et puis fouette cocher.

Il y avait un bac à passer, ce qui nous coûta encore 4 schillings et demi. La milice du pays s’était réunie dans la journée pour une inspection. Nous trouvâmes là plusieurs des officiers, qui, en Angleterre, appartiennent tous aux premières familles du pays. Ils étaient gris