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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/280

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peau de cardinal. Cette nomination a occasionne les vers que vous allez lire :

En vain la fortune s’apprête
À t’orner d’un lustre nouveau.
Plus ton destin deviendra beau,
Et plus tu nous paraîtras bête.
Benoît donne bien un chapeau,
Mais il ne donne point de tête.

— J’avais oublié, dans l’article de Catilina, de vous parler du retranchement, qu’on a fait faire à Crébillon, de quelques vers de sa pièce auxquels le public aurait pu donner une application maligne. C’est lorsque Probus, voulant détourner Fulvie de perdre Catilina, et ne pouvant y réussir, lui dit :

C’est ainsi que, toujours en proie à leur délire,
Vos pareilles ont su soutenir leur empire.
Car vous n’aimez jamais ; votre cœur insolent
Tend bien moins à l’amour qu’à gouverner l’amant.
Qu’il vous laisse régner, tout vous paraîtra juste,
Et vous mépriseriez l’amant le plus auguste
S’il ne sacrifiait aux charmes de vos yeux
Son honneur, son devoir, la justice et les dieux !


XLI

J’eus l’honneur de vous entretenir de Sémiramis lorsqu’elle parut sur le Théâtre-Français. Cette célèbre pièce, qui partagea Paris et qui excita une espèce de guerre civile parmi les beaux esprits, était semée de quelques beautés poétiques et de beaucoup de défauts choquants. On voulut jeter du ridicule sur l’ouvrage et sur l’auteur par une espèce de parodie dont les comédiens italiens se promettaient le plus grand succès. Voltaire, qui fut averti à temps qu’on méditait de l’exposer à la risée publique, réussit à détourner ce malheur par une lettre qu’il écrivit à la reine, et qui ne fit guère moins de bruit que la