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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/147

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OCTOBRE

Le vendredi 21 septembre on a donné, sur le Théâtre-Italien, les Gens de lettres ou le Poëte de province à Paris, comédie en cinq actes et en vers, de M. Fabre d’Églantine, comédien de province, qui n’était encore connu par aucune autre production.

Il ne nous a pas été possible de suivre la marche de cette pièce à travers les huées et les sifflets dont le parterre n’a pas cessé d’en accompagner la première et dernière représentation. L’ennui n’a pu être sauvé ni par quelques scènes d’un dialogue assez naturel entre Guillaume, le valet de Damis, et Richard, le frotteur de l’hôtel, ni par le personnage sottement important d’un libraire, qui n’est qu’épisodique, mais dont la caricature ne manque pas de vérité[1]. Il est difficile de concevoir un ouvrage dont l’intrigue soit plus froide, plus mal liée, et il s’en faut bien que le style rachète ce défaut d’intérêt et d’action ; c’est peut-être le plus étrange langage que l’on ait osé employer sur la scène depuis le Don Japhet d’Arménie de Scarron, que M. Fabre d’Églantine semble avoir voulu prendre pour modèle. À travers ce ridicule jargon, l’on a distingué cependant quelques vers qui annoncent une sorte de facilité, peut-être même un talent propre à la satire.

Damis s’exprime ainsi sur une mode qui commence à passer, celle de porter ces larges boutons sur lesquels on affectait surtout de peindre ou de graver des hommes à cheval :

Chargé de gros boutons et derrière et devant,
Irai-je me montrer un médaillier vivant ?
Irai-je de housards bigarrés en peinture
Porter un régiment du col à la ceinture ?


Le tableau des conversations ordinaires de nos bureaux d’esprit offre encore quelques traits assez heureux.

  1. Quelque mauvais que soient tous ces portraits, on devine que, dans le personnage de quotidien, l’auteur a prétendu peindre MM. de charnois et sautreau, le premier rédacteur de l’article des spectacles dans le mercure, l’autre un des principaux journaliers du journal de paris ; dans celui de lacrimant, M. mercier ; dans celui de fastidore, dorat et son école ; dans celui de chloé, Mme la comtesse de beauharnais ; dans celui du libraire, le sieur panckoucke. (meister.)