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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/180

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Il me laisse à Paris souveraine maîtresse…
Je jouissais en paix du fruit de ma finesse ;
Mais un trouble importun vient depuis quelques jours
De mes petits projets interrompre le cours.
Un rêve… (me devrais-je inquiéter d’un rêve ?)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui me crève.
Je l’évite partout, partout il me poursuit.
C’était dans le repos du travail de la nuit ;
L’image de Buffon devant moi s’est montrée,
Comme au Jardin du roi pompeusement parée[1] ;
Ses erreurs n’avaient point abattu sa fierté ;
Même il usait encor de ce style apprêté
Dont il eut soin de peindre et d’orner son ouvrage,
Pour éviter des ans l’inévitable outrage.
Tremble, ma noble fille, et trop digne de moi,
Le parti de Voltaire a prévalu sur toi ;
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille… en achevant ces mots épouvantables,
L’Histoire naturelle a paru se baisser :
Et moi je lui tendais les mains pour la presser ;
Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange
De quadrupèdes morts et traînés dans la fange,
De reptiles, d’oiseaux et d’insectes affreux,
Que Bexon et Guéneau se disputaient entre eux.


— Le 10 novembre, on a donné, sur le théâtre de l’Académie royale de musique, la première représentation de la reprise de l’opéra de Pénélope, de MM. Marmontel et Piccini. Les deux auteurs y ont fait des changements assez importants[2] ?

On a substitué au chœur des Poursuivants à table, qui commençait cet opéra, un divertissement chanté et dansé, dont l’effet agréable a cependant encore le défaut de ne pas expliquer davantage l’action, dont l’exposition ne commence toujours qu’au moment où Pénélope entre sur la scène. On a supprimé les chœurs multipliés de cette foule de princes, et l’on a mis dans la bouche d’un seul les déclarations qu’il était assez étrange d’entendre dire à tous à la fois.

Au second acte, M. Marmontel a fait disparaître entièrement l’épisode inutile de Laërte. C’est encore Pénélope qui ouvre ce second acte ; elle vient confier aux fidèles pasteurs d’Ulysse le

  1. Allusion à la belle et modeste statue que M. de Buffon est exposé à rencontrer tous les jours sur son escalier. (Meister.)
  2. Voir tome XIV, page 300.