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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/182

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celui de Pénélope, quoique très-inférieur assurément, n’en survivra pas moins à la gloire de ce dernier chef-d’œuvre de M. Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais.

Rosaline et Floricourt, comédie en trois actes et en vers, a été représentée pour la première fois, au Théâtre-Français, le samedi 17 novembre. Le dernier acte ayant paru exciter ce jour-là beaucoup d’impatience, on s’est déterminé à réduire la pièce en deux actes, et sous cette nouvelle forme elle a eu assez de succès pour engager l’auteur à se laisser deviner ; c’est M. le vicomte de Ségur, à qui nous devons déjà deux proverbes dramatiques : le Parti le plus fou et le Parti le plus sage.

On peut regarder le rôle de Rosaline comme une copie en miniature de celui de Céliante dans le Philosophe marié ; comme Céliante, elle aime parce qu’elle a le cœur sensible et bon ; comme Céliante, elle tourmente l’objet qu’elle aime par caprice et par humeur. Dans la première scène cependant, c’est par des remords que Rosaline annonce elle-même son caractère ; elle se reproche d’avoir désolé sans sujet l’homme du monde qu’elle aime et qu’elle doit estimer le plus, elle se décide à lui écrire pour rassurer sa tendresse. Il arrive tandis qu’elle écrit encore, et n’en est point aperçu ; trop délicat pour se permettre de lire à son insu le billet qu’elle écrit, il ne peut résister à la curiosité d’en voir au moins l’adresse. Quel transport lorsqu’il découvre qu’il est pour lui !

Il n’était pas difficile de réduire l’intrigue en deux actes ; il aurait même été assez facile de la réduire en un seul, et l’effet de l’ouvrage n’y aurait rien perdu. Le caprice de Rosaline, depuis le commencement de la pièce jusqu’à la fin, est toujours le même ; il est fort naturel qu’un amant très-épris ne s’en lasse pas, mais le public n’a pas paru disposé à la même indulgence. Mlle Contat, pour qui, dit-on, la pièce avait été faite, n’y a pas merveilleusement réussi ; elle a rendu le rôle de Rosaline avec plus de manière et de minauderie que de grâce et de légèreté ; sa taille n’est plus assez svelte pour faire ainsi l’enfant, et Molé paraît aujourd’hui beaucoup trop vieux pour en être encore agréablement la dupe.