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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/186

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velles lois qu’il propose, et, pour arriver à ce but, il s’est attaché essentiellement à écarter le plus grand des obstacles qu’on avait opposés jusqu’ici à tous les partis qu’on avait essayé de prendre pour assurer l’état des protestants en France ; cet obstacle est le préjugé tiré de l’autorité respectable de Louis XIV, et de l’inaction dans laquelle on s’est tenu pendant tout le règne de Louis XV. M. de Malesherbes combat ce préjugé de la manière la plus victorieuse, en démontrant que jamais Louis XIV n’a eu le projet de réduire les protestants français à l’état où ils sont aujourd’hui, que son premier sentiment était de fixer leur état par une loi qui est précisément celle qu’on veut établir actuellement, et qu’il n’en a été détourné que parce que le clergé de son temps introduisit un système différent, par lequel il espérait de procurer en peu de temps l’extinction totale de l’hérésie, projet dont l’illusion est démontrée de nos jours par un siècle d’expérience, projet d’ailleurs dont il ne peut plus être question, parce que le clergé de notre siècle ne pense plus comme celui de 1685, et qu’il refuse de se prêter aux sacrilèges et aux profanations de la génération présente, dans l’espérance d’obtenir des conversions sincères de la génération future. M. de Malesherbes explique aussi l’inaction du règne de Louis XV, et prouve que Louis XV personnellement, le cardinal de Fleury, le chancelier d’Aguesseau, et tous les ministres qui sont venus depuis, eussent adopté infailliblement les premières idées de Louis XIV, si on n’avait pas craint une forte opposition des principaux corps du royaume, ce qui n’est plus à craindre dans ce temps-ci, où toutes les querelles du clergé et de la magistrature sont oubliées.

Dans son second Mémoire, M. de Malesherbes croit pouvoir regarder comme une base certaine que Sa Majesté reconnaît la justice et la nécessité de donner à tous ses sujets un état civil, et qu’elle regarde aussi comme intéressant pour son royaume d’y attirer les étrangers qui peuvent y apporter leur commerce et leur industrie. Il divise ensuite l’examen de la question en trois parties.

Dans le premier chapitre, il examine si, pour donner aux sujets du roi un état certain, et pour assurer les étrangers qu’ils jouiront de ce même état en s’établissant en France, il suffit de laisser tomber dans l’oubli les lois dont l’effet est de réduire les familles protestantes à la bâtardise, et il conclut, comme il est