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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/270

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« Feu Mme la dauphine (de Bavière) me disait toujours : « Ma pauvre chère maman (c’est ainsi qu’elle m’appelait), où prends-tu toutes les sottises que tu fais ? » On voit dans les lettres de Mme de Sévigné qu’à son arrivée à la cour de France la bonne princesse y parut en effet assez étrange. « On dit que la nouvelle Madame est tout étonnée de sa grandeur. On vous mandera comme elle est faite. Quand on lui présenta son médecin, elle dit qu’elle n’en avait que faire, qu’elle n’avait jamais été ni saignée ni purgée, et que, quand elle se trouvait mal, elle faisait deux lieues à pied et qu’elle était guérie. Lasciamo la gudar, che fara buon viaggio. »

Quoi qu’il en soit, le recueil de ces lettres n’en est pas moins un monument fort curieux, et, quelque riches que nous soyons en mémoires sur le règne de Louis XIV, ceux-ci semblent nous l’offrir sous un point de vue nouveau. L’extrême franchise avec laquelle la princesse dit tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle pense, fait pardonner jusqu’aux puérilités dont sa crédulité n’a pas dédaigné de s’occuper. On y distingue fort aisément les faits qu’elle pouvait savoir d’original de ceux qu’elle ne rapporte que comme des traditions populaires, comme des bruits de ville ou de cour.




JUIN.

Le 14 mai, on a donné sur le Théâtre-Italien la première représentation de Sargines, ou l’Éducation de l’amour, drame en quatre actes, mêlé d’ariettes. Le poëme est de M. Monvel, la musique du chevalier Dalayrac.

C’est une anecdote tirée des Délassements de l’homme sensible, de M. d’Arnaud, qui a fourni le fond du nouveau drame. Le sire de Sargines, un des preux de Philippe-Auguste, a le malheur d’avoir un fils dont le dégoût pour tous les devoirs de son état, dont les manières et la stupidité indiquent qu’il sera tout à fait indigne de son nom. Confiné dans un château sous la garde d’un manant qui en est le concierge, le jeune Sargines y végéte avec une apathie qui ne laisse aucun espoir de le voir jamais marcher sur les traces de ses ancêtres. Le hasard lui fait rencon-