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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/271

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trer dans cette retraite une parente aussi courageuse que belle et spirituelle ; il en devient amoureux, et l’envie de lui plaire lui inspire enfin des sentiments dignes de sa naissance. Il apprend de cette jeune personne à lire, à écrire, à faire des armes, à monter à cheval. Le jeune Sargines se rend ensuite dans un tournoi publié par Philippe-Auguste ; il a la gloire d’y vaincre tous les tenants, et de prouver à son père qu’il ne démentira point le sang qui l’a fait naître.

La première représentation de ce drame a eu un assez grand succès. La pompe du spectacle, la fin du troisième acte, le fait historique de Philippe-Auguste déposant sa couronne et offrant de combattre sous les ordres de celui que la nation croira plus digne de la porter, fait que M. Monvel a eu l’heureuse adresse de lier, ainsi que la célèbre bataille de Bouvines, à l’action de son poëme, ont fait pardonner les longueurs et les lenteurs de la marche du premier et du second acte. La langueur reprochée à ces deux premiers actes tient essentiellement à la manière dont l’auteur a présenté le caractère du jeune Sargines ; tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, son maintien même, décèlent sans doute une grande timidité, mais c’est celle que l’on voit si souvent dans les jeunes gens de son âge, et elle ne justifie point l’opinion trop humiliante qu’en a conçue son père. La transition graduelle de l’inertie absolue du jeune homme à des sentiments dignes de sa naissance et de l’objet qui l’a su charmer forme le principal intérêt du roman ; mais M. Monvel n’a-t-il pas eu tort de vouloir essayer de présenter, dans le court espace d’un drame, des développements, un changement de caractère que toute la puissance de l’amour ne saurait produire avec quelque vraisemblance qu’au bout d’un certain temps ? N’eût-il pas mieux fait de reporter dans l’exposition, hors de la scène, les motifs qui ont déterminé la conduite du sire de Sargines à l’égard de son fils, de nous montrer le jeune homme avec la timidité que devait lui laisser le souvenir de son imbécillité passée, mais déjà corrigé de ses autres défauts ? L’action conçue ainsi aurait eu, ce semble, un intérêt plus attachant, plus vif, plus naturel, et le principal personnage eût paru moins avili.

Quant à la musique, un duo au premier acte entre Iselle et Isidore ; celui dans lequel Sophie apprend à lire à Sargines au second, un air que chante Sophie seule dans le même acte,