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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/393

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— Le 20 décembre, on a donné sur ce même théâtre la première représentation d’Inès et Léonore, comédie en trois actes mêlée d’ariettes. Le poëme est de M. Gauthier, c’est son premier ouvrage ; la musique est de M. Breval, et c’est aussi, je crois, sa première composition dramatique.

Cet ouvrage a eu du succès, mais non pas tout à fait celui que le genre et le mouvement de l’intrigue pouvaient en faire espérer ; quelques situations assez comiques n’ont pu racheter toujours ni l’invraisemblance, ni la répétition des moyens qui les amènent. On a trouvé le rôle d’Inès presque aussi froid qu’il est gratuitement odieux ; il eût intéressé davantage si sa haine, sa jalousie pour sa sœur avaient été fondées sur des motifs plus dramatiques que l’envie vague de nuire. D. Pèdre se laisse prévenir trop facilement, surtout contre une fille qui possédait auparavant toute sa confiance. Ce sont ces défauts qui ont nui essentiellement au succès de cet ouvrage, rempli d’ailleurs de détails intéressants.

La musique fait honneur à M. Breval, déjà fort connu dans nos concerts comme un excellent exécutant ; elle annonce de bonnes études, de la méthode et du goût ; mais on y remarque peu d’idées, peu d’invention.




FÉVRIER.

Le lundi 26 janvier, on a fait l’ouverture du nouveau Théâtre de Monsieur[1]. Ce prince a voulu jouir du même droit que le frère de Louis XIV, celui d’avoir une troupe de comédiens sous son nom, ayant dans la hiérarchie dramatique le rang et les privilèges des théâtres royaux. Les Comédiens français, les Italiens et l’Opéra se sont opposés autant qu’ils l’ont pu à l’établissement d’une troupe dont il ne leur sera plus permis de dédaigner les succès comme au-dessous de leurs talents, quelque jalousie que leur ait inspirée souvent la vogue de quelques-uns de nos théâtres forains ; le gouvernement a dérogé au privilège exclusif auquel


  1. Plus tard Théatre-Feydeau.