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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/437

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pouvant les trouver, la reine, au même instant, ne balance plus a se débarrasser d’un serviteur qui ne peut lui fournir l’argent qu’elle désire ; ses lettres deviennent froides ou pleines de reproches ; les courriers que le cardinal recevait de Vienne cessent d’être aussi fréquents. Enfin Mme de La Motte voit arriver un soir chez elle Son Éminence furieuse. C’est ici qu’on n’a pas craint de mettre dans la bouche du cardinal les expressions de la colère la plus outrageante. Ces charmes, que la dame de La Motte s’était plu à dépeindre au commencement de ses Mémoires d’une manière tout à la fois si insolente et si voluptueuse, sont traités par le cardinal avec un mépris qu’il serait sans doute impossible de soupçonner un instant, si le roman eut jamais pu avoir quelque ombre de réalité. Il déclare à Mme de La Motte qu’il vient d’en finir avec cette femme. L’audace et l’absurdité de toutes ces impostures sont trop révoltantes pour qu’on ne soit pas pressé de savoir enfin de quelle manière on a imaginé de les lier à l’histoire du fameux collier ; le voici.

Mme de La Motte dit que, malgré toutes les plaintes du cardinal, elle n’avait jamais renoncé a l’espoir de le rapprocher de la reine ; elle assure même ensuite que cette prétendue rupture n’était qu’une feinte, que le cardinal la trompait, que la reine et lui continuaient à se voir à son insu, et que c’est dans ces entrevues secrètes que la reine chargea le cardinal de lui faire acheter le fameux collier ; que Son Éminence en fit un mystère à Mme de La Motte jusqu’au moment ou les joailliers s’adressèrent à elle pour l’engager à le faire acheter par la reine et lui apprirent que M. le cardinal le marchandait. On est confondu de la multiplicité des mensonges accumulés par cette femme pour prouver que la reine voulait tromper également le cardinal, les joailliers et même sa prétendue confidente, car, afin de se disculper du crime de faux dont elle a été convaincue au procès, il lui coûte peu d’avancer que c’est la reine elle-même qui lui a ordonné de laisser contrefaire par le nommé Villette son écriture et de signer de son auguste nom le marché que le cardinal remit aux joailliers. Rien n’est plus étrangement pitoyable que la torture que Mme de La Motte donne à son imagination pour rapprocher cette partie de son histoire des faits contenus dans ses premiers aveux et dans les écrits publiés par elle-même pendant le cours de son procès ; mais ces ridicules combinaisons ne sont