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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/486

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facilité, des images riantes et des vers heureux. On pourra prendre une idée de sa manière et de ses défauts dans le morceau suivant sur l’état actuel du Théâtre-Français.


Il voit Thalie en cotillon mesquin,
Pour des sabots laissant le brodequin,
Froidement gaie et grotesquement tendre,
Dédaigner l’art et le sel de Ménandre ;
Organt vit là Molé, dont le talent
Est d’écorcher Molière impunément ;
Et Desessarts, le Sancho de l’école,
Qui croit l’Olympe assis sur son épaule ;
La glaciale et brûlante Raucourt
De qui les feux ont fait rougir l’Amour,
Et dont le cœur, digne de Messaline,
Parodia la Trinité divine
Avec trois culs l’un par l’autre pressés,
Et se heurtant unis et divisés ;
Fleury, suivant et mignon du héros,
Lequel jamais ne dormit sur le dos ;
Cette Contat[1], nouvelle Cythérée
Qui sur le sable apporta la marée ;
Et Dorival dont le palais branlant
Mâche les vers de sa dernière dent ;
Cette Chassaigne, ânesse de Cythère,
Divinité dont Cybèle est la mère ;
Florence enfin, sot avec dignité,
Thersite en scène, Achille au comité…

Reposons les yeux de nos lecteurs sur des images moins impures : c’est le début du cinquième chant.

Vous avez vu la fraîche jardinière,
Quittant les bras de son joufflu Colin,
En jupon blanc sortir de la chaumière
Et vers Paris trotter de grand matin.
De même l’aube, aimable avant-courrière,
De l’univers entr’ouvrait la barrière.

L’aube naquit, dit un grave Romain,
D’Endymion et Diane la Lune :
Elle apportait au ciel chaque matin
Le lait nouveau des troupeaux de Neptune.
Or, un beau jour Jupiter l’attendit
Vers l’orient. En chantant elle arrive ;

  1. Dont la mère était marchande de marée. (Meister.)