Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les Francs, qui servaient par un motif religieux l’ambition de Clovis, et jurèrent sur leur barbe d’exterminer cette race d’ariens qui opposait un trône à son trône, ont cruellement traité les cagots, que la bataille de Vouglé dispersa, et que les habitants des bords de la Loire et de la Seudre repoussèrent avec autant de mépris que de ressentiment vers les désertes embouchures de ces rivières. Je comprendrai de même que, lorsque le royaume des Visigoths s’anéantit devant les enfants de Clovis, tout ce qui dans cette nation s’était déjà avili par des alliances avec des filles de la glèbe, hors d’état de suivre les Goths guerriers et nobles qui passèrent en Espagne, descendit à l’état des vaincus de Vouglé, et que, nonobstant la faveur que Clovis et ses successeurs firent aux Visigoths comme aux Gaulois Romains, de les laisser vivre sous leurs lois, le même mépris confondit bientôt avec ces vaincus des hommes abandonnés par leur nation, comme par leurs vainqueurs, et détestés des Gaulois dont ils avaient persécuté les évêques… Le refus des sacrements de l’Église et de la sépulture des chrétiens fut la suite naturelle du ressentiment du clergé longtemps persécuté. On éloigna ces ariens des communautés, parce qu’ils étaient schismatiques, non parce qu’ils étaient lépreux. Ils devinrent lépreux quand une dégénération successive, apanage naturel d’une race vouée à la pauvreté, y eut naturalisé des maladies héréditaires. Peu à peu, sans doute, ils acquiescèrent à la foi de l’Église, mais ils ne purent se régénérer ; ils cessèrent d’être ariens sans cesser d’être lépreux, et cessèrent d’être lépreux sans cesser d’être livrés à tous les maux qu’engendre la viciation du sang et de la lymphe. Le gouvernement féodal, qui devint celui des barbares quand ils renchérirent de barbarie, ne se contentait plus de partager la terre avec le cultivateur, et s’appropriait les personnes avec les possessions, et le cagot devint dans la race des esclaves un esclave de plus basse condition. En vain les communes rentrèrent dans les droits de l’homme, il n’eut pour sa part que l’ombre de la liberté, et demeura dans une dépendance d’autant plus misérable, que dans le nombre de ses tyrans il n’avait plus un maître qui pourvût à ses besoins… Telle est la destinée de cette nation, qui renversa et fonda des empires, et sur les derniers rejetons de laquelle l’arianisme attira plus de vengeances que le souvenir même de son usurpation. Le peuple entier des Goths exterminé par les