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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/504

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nant les usages et la discipline du château royal de la Bastille du 20 septembre 1764, signé Louis, et plus bas Phélippeaux.

L’Oreille, conte asiatique, trois petits volumes in-8o, par Mlle de Sommery, auteur des Doutes sur diverses opinions reçues dans la société, des Lettres du chevalier de R***, de la Comtesse de Tourville, etc.

Ce conte voudrait être dans le genre de ceux d’Hamilton, mais il n’en a ni la grâce ni la facilité. Il y règne une sorte de merveilleux, dont l’exagération froide et pénible ne laisse voir le plus souvent que les efforts d’un esprit qui s’épuise en combinaisons bizarres, et non l’heureuse invention d’une imagination naturellement vive et féconde. Boileau a dit :


Il doit régner partout, Le vrai seul est aimable,
Il doit régner partout, et même dans la fable.


On serait presque tenté de dire, et surtout dans la fable. Plus une idée est folle, et plus elle a besoin d’un grand air de vérité pour ne pas nous déplaire ; ne faut-il pas qu’un homme singulier le soit bien plus sincèrement qu’un homme simple, pour nous paraître supportable ? Il en est de même des ouvrages. Un autre défaut de celui de Mlle de Sommery qu’on pardonne encore moins est d’être infiniment trop long : elle aurait dû traiter son livre comme la reine de l’île des Tubéreuses traita l’un de ses amants. L’auteur doit nous savoir gré de cette ingénieuse comparaison, puisqu’elle nous engage à vous faire connaître un des plus jolis épisodes de son conte ; c’est un nain de la hauteur d’un cure-dent, qui, placé sur l’épaule du roi, lui fait lui-même son histoire.

» Je m’appelle Éliacin, je suis le cinquième fils du soudan d’Égypte. À l’âge de dix-neuf ans, l’on me conseilla de voyager. J’eus le malheur d’aborder dans cette île. Mon cœur était tout neuf. Les charmes de la reine m’enivrèrent ; elle reçut mes hommages avec une douceur qui m’enhardit, et me donna rendez-vous pour la nuit suivante…

« Vous pouvez croire, seigneur, que j’étais d’une taille différente de celle que vous me voyez aujourd’hui. Je trouvai la reine sur un canapé de velours gros vert, garni de crépines de perles elle était vêtue d’une simple robe de gaze blanche, brochée légèrement en argent, qui laissait voir tous les contours