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L’Ami des pauvres, ou l’Économe politique[1], qui propose des moyens pour enrichir et perfectionner l’espèce humaine, a déjà paru il y a quelques années. Voici donc sa seconde apparition. C’est un bon et insipide rêveur de bien public. On peut être l’ami des pauvres et un pauvre homme tout à la fois. Si vous en doutez, l’auteur vous le prouvera sans réplique. Il a ajouté à cette nouvelle édition un Mémoire sur la suppression des fêtes. Il veut aussi introduire une nouvelle orthographe et même de nouveaux caractères d’impression qui donnent à la langue française un air esclavon. M.  l’Économe politique est un radoteur qui économise fort mal son temps s’il prétend l’employer au bien public.

Les Ennemis réconciliés[2] forment une pièce dramatique en trois actes et en prose qui n’a jamais été jouée. Le sujet est tiré d’une des anecdotes les plus intéressantes du temps de la Ligue. Ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais bien les auteurs qui possèdent l’art et le talent de les traiter.


15 août 1766.

Mlles  Verrière sont deux sœurs célèbres à Paris per leur beauté, et exerçant le joyeux métier de courtisanes[3]. Comme leur célébrité a commencé il y a plus de vingt ans, elle a aussi commencé depuis longtemps à décliner ; mais, comme d’un autre côté elles ont su bien profiter du temps, et qu’elles ont eu l’adresse de ruiner plusieurs sots, après avoir d’abord exercé leur métier dans les rues, elles ont eu le secret d’amasser une fortune considérable et de tenir à Paris une maison fort brillante. La cadette se fait appeler Mme  de La Marre ; l’ainée a conservé le nom et les armes de Verrière. Celle-ci, plus belle que sa sœur, avait fait anciennement la conquête du grand Maurice, de l’illustre comte de Saxe, grand amateur de

  1. Par Faignet.
  2. La Haye et Paris, 1766, in-8o. Attribué quelquefois à Guyot de Merville parce que l’auteur, l’abbé Bruté de Loirelle, avait pris le pseudonyme de Merville.
  3. M.  Ad. Jullien a publié un intéressant travail sur le Théâtre des demoiselles Verrière (Detaille, 1875, gr. in-8o), mais il n’a pas eu connaissance de ce singulier épithalame, sans nul doute inédit, et qui ne peut être de celle à qui Grimm l’attribue.