Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/116

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goût un peu sévère, sa manière de narrer ne parût pas exempte de reproche, surtout dans les fables : car, pour les contes, comme le genre en lui-même est frivole, le nigaudage et cette facilité avec laquelle le poëte s’abandonne à son imagination naïve et piquante leur donnent un charme et une grâce inexprimables ; mais, quelque raison qu’on se crût de blâmer en quelques occasions la manière du poëte, je doute qu’on eût jamais le courage de retrancher une ligne de ses ouvrages ; jusqu’aux défauts, tout y est précieux.

Quoique le conte de la Clochette soit peu de chose dans l’original, il était charmant à mettre sur la scène ; mais M.  Anseaume s’y est bien mal pris et y a bien mal réussi. Sa pièce est froide, plate et mal faite. Sedaine en aurait fait une pièce charmante ; mais ce Sedaine ne donne son secret à personne, et aucun de nos faiseurs ne cherche à le lui dérober. Malgré cela, la pièce de M.  Anseaume, quoique froide et sans aucun intérêt, a réussi, grâce au jeu de théâtre que la Clochette ne pouvait manquer de produire. La musique en est jolie, quoique d’un goût un peu vieux et d’un style un peu faible. Notre bon papa Duni n’est plus jeune ; les idées commencent à lui manquer, et il ne travaille plus que de pratique. Il vient de se mettre en route pour l’Italie ; j’ignore si c’est pour y rester ou pour s’y rafraîchir simplement la mémoire. Ce qu’il y a de plus joli, à mon sens, se réduit à l’air de Colinette : Mon cher agneau, quel triste sort ! et aux couplets en reproches entre Colin et Colinette : À la fête du village. Le poëte a fait une bévue assez plaisante, dont le parterre ne s’est point aperçu. La scène se passe au milieu des champs, et lorsque Colinette se brouille avec son amant, elle lui dit : Sortez. Il faut croire que lorsqu’elle se brouillera dans sa cabane, elle lui ordonnera de rentrer. Cette observation ne porte, je le sais, que sur une misère ; mais elle prouve combien nos représentations théâtrales sont dénuées de vérité, puisque cette platitude n’a choqué personne. On dirait que chaque spectateur, en entrant dans nos salles de spectacle, s’est engagé à laisser la vérité à la porte, à ne lui rien comparer, et à n’exiger, dans ce qu’il verra et ce qu’il entendra, rien qui lui ressemble.

M.  Falconet, sculpteur du roi et professeur de l’Académie royale de peinture et sculpture, vient d’être appelé par