Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/117

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l’Impératrice de Russie pour exécuter la statue équestre de Pierre le Grand. Cette statue doit être érigée à Pétersbourg, en bronze. Quel monument et quelle entreprise ! c’est, de toutes celles qu’un souverain pourrait proposer dans ce siècle, la plus belle, la plus grande, la plus digne d’un homme de génie. Ce que Pierre le Grand a de sauvage et d’étonnant, cet instinct sublime qui guide un prince encore barbare lui-même dans la réformation d’un vaste empire, le rend plus propre au bronze qu’auçun des souverains qui aient jamais existé. Je désire que le génie de M.  Falconet soit au niveau de son entreprise. Je désire que M.  Thomas, occupé d’un poëme épique dont Pierre le Grand doit être le héros, érige à ce grand homme un monument aussi durable que le bronze de M.  Falconet. Le génie de Pierre aura ainsi servi à immortaliser deux Français ; et ceux-ci, en transmettant à la postérité les honneurs rendus par Catherine à la mémoire du fondateur de l’empire de Russie, apprendront aux générations suivantes par quels monuments il convient de consacrer la mémoire de l’auguste princesse qui a osé porter à sa perfection l’ouvrage commencé par Pierre le Grand.

M. Falconet emmène avec lui une jeune personne de dix‑huit ans, appelée Mlle  Collot, son élève depuis plus de trois ans, et qui fait le buste avec beaucoup de succès. C’est un phénomène assez rare et peut-être unique. Elle a fait plusieurs bustes d’hommes et de femmes très-ressemblants, et surtout pleins de vie et de caractère. Celui de notre célèbre acteur Préville, en Sganarelle, dans le Médecin malgré lui, est étonnant. Je conserverai celui de M.  Diderot, qu’elle a fait pour moi[1]. Celui de M. le prince de Galitzin, ministre plénipotentiaire de Russie, est parlant comme les autres. Je ne doute pas que, si ces différents bustes avaient été présentés à l’Académie, Mlle  Collot n’eût été agréée d’une voix unanime ; et c’est un honneur que son maitre aurait dû lui procurer avant son départ pour Pétersbourg. Cette jeune personne joint à son talent une vérité de caractère et une honnêteté de mœurs tout à fait précieuses. Elle ne manque point d’esprit, assurément, et cet esprit est relevé par une pureté, une vérité, une naïveté de sentiments, qui le rendent

  1. Voir sur ce buste la note qui lui est consacrés dans l’Iconographie de Diderot, tome XX, p. 109 des Œuvres complètes.