Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/124

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peu d’humeur d’avoir été mal accueilli et trompé par les Chinois ; ni de cet autre témoignage du bonhomme John Bell, dont on a traduit la relation l’hiver dernier[1], et dont l’autorité paraît d’un poids d’autant plus grand qu’il se défie davantage de ses lumières, et qu’il demande à chaque instant pardon d’avoir vu les choses comme elles sont. Un esprit sage voudra simplement suspendre son jugement ; il désirera de passer une vingtaine d’années à la Chine, et d’examiner un peu les choses par lui-même, avant de prendre un parti définitif. Il dira : Quel est le gouvernement dont les principes ne soient fondés sur l’équité, sur la douceur, sur les plus beaux mots de chaque langue ? Lisez les édits de tous les empereurs et de tous les rois de la terre, et vous verrez qu’ils sont tous les pères de leurs peuples, et qu’ils ne sont occupés que du bonheur de leurs enfants. Cependant les injustices et les malheurs couvrent la terre entière. C’est une belle institution que celle qui établit des surveillants aux surveillants, qui fait garder ainsi la vertu des uns par la vertu des autres ; il est seulement dommage que ceux qui surveillent les surveillants soient des hommes, par conséquent accessibles à toutes les corruptions, à toutes les faiblesses de la nature humaine. Il ne serait donc pas physiquement impossible que tous les mandarins, revêtus de l’autorité paternelle sur les peuples, fussent des hommes intègres et vertueux ; mais il est moralement à craindre que, ne pouvant prendre avec l’autorité des pères leurs entrailles, il n’y en ait beaucoup qui ne consultent, dans leurs places, que leur intérêt particulier, et qu’ils ne soient souvent fripons, méchants, rapaces, très-indifférents au moins sur le bien et sur le mal, comme on en accuse certains mandarins en Europe : ce qui n’empêche pas que sur cent il ne se trouve quelquefois un honnête homme, qui soit même assez benêt pour se faire chasser plutôt par ses confrères que de se faire le compagnon de leurs iniquités.

C’est une belle cérémonie, il faut l’avouer, que celle qui met tous les ans l’empereur derrière une charrue ; mais il se pourrait qu’à l’exemple de plusieurs étiquettes de nos cours

    Anson, compiled from his papers, by Richard Walter, London, 1746, in-4o. Traduit en français par Gua de Malves, Amsterdam, 1749, in-4o.

  1. Voyez tome VI, pages 454 et 506.