Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/165

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prochain ; mais ce qui m’a surtout brouillé avec M.  Louis, c’est de le voir, durant toute la maladie de cet illustre blessé, occupé à lui jeter des inquiétudes sur son état, et à lui faire entendre qu’il pourrait avoir les suites les plus sinistres. Tout cela, traduit en français clair, signifiait que M.  Louis aurait fort désiré que le marquis de Castries fût mort de sa blessure pour faire honneur à ses pronostics. Cela peut prouver un grand attachement et un grand amour pour ses idées ; mais cela ne prouve pas un grand fonds d’honnêteté. J’ai aussi une grande antipathie pour les gens qui passent leur vie à écrire sur des arts qui ne s’acquièrent qu’à force d’exercice. L’homme superficiel bavarde ; l’homme profond n’en a pas le temps : il opère, il agit ; il ne parle que dans ces occasions rares où il a des choses neuves et sûres à annoncer. Il est vrai que, moyennant cette méthode, on ne trouve pas son nom imprimé tous les mois dans vingt-cinq journaux, et qu’après tout, le plus sûr est de dire beaucoup de bien de soi, et de le répéter tant qu’on peut, parce qu’à force de le dire, on le persuade toujours à quelqu’un, et que cela fait quelque effet à la longue ; mais il n’en est pas moins vrai qu’un homme supérieur dédaigne ces artifices. Ce qui a achevé de barbouiller M.  Louis dans mon esprit, c’est d’avoir ouï dire à des chirurgiens très-célèbres, très-expérimentés, et, qui plus est, très-honnêtes, que ce qu’il a écrit, il y a quelques années, sur une nouvelle méthode à tenir dans l’amputation de la cuisse, était absolument faux. Ils prétendent que les nerfs ne se retirent pas de la manière dont il le dit, et que par conséquent tout l’édifice sur lequel il pose sa théorie n’est qu’un tas de suppositions et de faussetés dangereuses. Quand je vois que l’envie de faire des découvertes fait tenter des moyens aussi blâmables dans des choses de cette importance, qui intéressent la sûreté publique, et qui peuvent induire en erreur les jeunes élèves de chirurgie dispersés dans toute l’Europe et justement séduits par l’autorité d’un homme célèbre, je deviens implacable.

M. Louis, dans l’opinion qu’il a embrassée sur les naissances tardives, a encore le malheur de se trouver d’accord avec les gens de sa profession les plus décriés du côté de la probité. L’illustre Bouvart, à qui personne ne dispute l’avantage d’être un des plus malhonnêtes hommes de Paris, consulté sur le procès de Bretagne, a écrit contre la légitimité des naissances