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poison de la première. Vous l’avez lue dans son temps à la suite de ces feuilles. La seconde, adressée à M.  de Saint-Foix, auteur de la petite comédie des Grâces, est peu de chose. Ces trois morceaux ont paru sous le titre de Bagatelles anonymes[1].

Ce n’est pas tout : M.  Dorat a aussi voulu dire son mot sur la querelle de M.  Rousseau avec M.  Hume, en tant que M.  de Voltaire s’en est mêlé par la lettre adressée à ce sujet au philosophe écossais. M.  Dorat vient de faire imprimer un Avis aux sages du siècle[2], c’est-à-dire à M.  de Voltaire et à M.  Rousseau. Cet avis est en vers, et l’auteur fait observer à ces messieurs :

Que grâce à leurs dissensions,
Souvent les précepteurs du monde
En sont devenus les boufons.

Moi, j’observe à M.  Dorat que les précepteurs du monde donneront à lui, écolier, cent coups de verge bien appliqués.

— On a imprimé en Hollande une traduction du Premier Alcibiade de Platon, par M.  Lefèvre, petit in-8o de près de cent pages. Je ne connais pas ce M.  Lefèvre ; mais je sais qu’il traduit fort mal les dialogues de Platon. Il convient même qu’il n’aime pas à se donner beaucoup de peine, qu’il écrit à peu près comme il parle, et que le soir il donne à l’imprimeur ce qu’il a composé le matin. Or, en lisant sa préface, vous trouverez que cet homme, qui écrit comme il parle, parle comme un franc polisson. Il dit qu’il est bien aise de faire plaisir au public par ses traductions ; mais qu’il est bien aise aussi de ne pas se chagriner, en se distillant la cervelle sur la préférence que tel mot pourrait disputer à l’exclusion de tel autre mot ; que d’ailleurs ce qui n’est pas bon aujourd’hui le sera peut-être demain. Et c’est un homme qui parle, qui écrit, qui s’exprime ainsi, qui ose entreprendre de traduire les entretiens divins de Socrate ! Il faudrait, en punition de cette entreprise sacrilége, condamner cet impie à servir, pendant l’espace de trois ans, de fac-

  1. Bagatelles anonymes, recueillies par un amateur, Genève (Paris), 1766, in-8o, vignette et cul‑de-lampe d’Eisen, gravés par Née.
  2. In-8°, 8 pages, avec un joli frontispice anonyme représentant Voltaire et Rousseau, tous deux très-rajeunis, se montrant le poing dans un jardin dessiné à la française, Un exemplaire de cette pièce, très-rare et inconnue aux bibliographes, figurait dans la vente de M.  Léon Sapin (1878), n° 1140.