Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/188

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bien plus merveilleux et plus ancien. Il faut avoir donné de grandes marques de zèle dans l’ordre des Maçons, pour aspirer à une place dans celui des Noachites. Ces inepties viennent de vingt années trop tard. Dans le temps où les francs-maçons étaient à la mode, et assez nombreux pour qu’en certaines capitales la police fit attention à eux, ce livre aurait pu faire fortune ; mais ce temps est passé.

— On a imprimé une Lettre de feu M.  l’abbé Ladvocat, docteur et bibliothécaire de Sorbonne, dans laquelle on examine si les textes originaux de l’Écriture sont corrompus, et si la Vulgate leur est préférable, brochure in-8o de cent trente-cinq pages. L’auteur se déclare pour la négative, malgré le respect que l’Église romaine ordonne de rendre à la Vulgate. La raison qui décide M.  l’abbé Ladvocat pour les textes originaux, c’est que dans ces textes il n’y a que des fautes de copistes, au lieu que dans la Vulgate il y a encore des fautes de traducteur. Il est curieux de voir des hommes sensés discuter gravement de pareilles questions. M.  le Proposant a certainement raison. Si ce livre est divinement inspiré, il faut, pour mériter notre croyance, qu’il ait été aussi divinement copié ; car s’il y a une seule faute de copiste, il peut y en avoir mille ; et que devient le fondement de notre foi ? Cependant saint Jérôme, saint Augustin et plusieurs Pères de l’Église, conviennent que ces textes sont corrompus. Moi, en ma qualité de fidèle, je soutiens que le Saint-Esprit n’a pas seulement inspiré les auteurs des livres sacrés, mais qu’il a inspiré et inspire encore tous les jours tous les copistes et tous les imprimeurs qui en multiplient les exemplaires, et que c’est bien le moindre miracle qu’il puisse faire en faveur d’un livre nécessaire au salut éternel du genre humain. M.  l’abbé Ladvocat, qui, en sa qualité de docteur de Sorbonne, était athée, discute cette question en savant théologien. Je me souviens de l’avoir fait mourir de la poussière avalée dans la bibliothèque de la Sorbonne[1] ; mais cela n’est pas vrai, et il n’était pas assez malavisé pour cela. Il est mort pour avoir négligé des hémorrhoïdes auxquelles se sont jointes une inflammation et la gangrène.

M.  Changeux vient de publier un Traité des extrêmes,

  1. C’est t. VI, p. 461, que Grimm a attribué la mort de l’abbé Ladvocat aux fatigues de sa place de bibliothécaire. C’est une mort trop rare pour m’être pas quelque peu gloricuse. (T.)