Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/192

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grâce de style, un choix d’images tendres et délicieuses, un charme et une douceur de coloris qui vous ravissent et vous enchantent. On voit bien que ce sont les Idylles de M.  Gessner, de Zurich, qui ont donné à M.  Léonard l’envie de faire les siennes ; mais le singe qui prendrait l’Antinoüs pour modèle n’en resterait pas moins singe. Gessner est un poëte divin, et M.  Léonard un honnête enfant, si vous voulez, et plus sûrement un pauvre diable.

M.  Dancourt, ancien arlequin de Berlin, qui a réfuté le traité de M.  Rousseau contre les spectacles, et qui est à la fois auteur et acteur, a arrangé, pour le théâtre de Vienne, un ancien opéra-comique français pour pouvoir être mis en musique. Cette pièce, intitulée les Pélerins de la Mecque, est une farce de Le Sage. M.  Dancourt l’a appelée la Rencontre imprévue. Il fallait faire un meilleur choix. On dit que la musique du chevalier Gluck est charmante.

M.  Eidous vient encore de nous enrichir d’une Histoire de la Nouvelle-York, depuis la découverte de cette province jusqu’à notre siècle, traduite de l’anglais de M.  William Smith. Volume in-12 de quatre cents pages. Cette histoire finit à l’année 1732 ; ainsi elle aurait besoin d’un supplément. Quant à M. Eidous, je ne voudrais pas à mon plus cruel ennemi assez de mal pour le lui donner pour traducteur.

Marianne, ou la Paysanne de la forêt d’Ardennes, histoire mise en dialogues, forme un volume in-12 de trois cents pages, en treize entretiens. L’auteur de ce roman nous assure, suivant l’usage, que c’est une histoire véritable. Il prend lui-même le nom d’Ergaste, et sous ce nom il questionne la paysanne de la forêt d’Ardennes et se fait conter sa vie : c’est ce qui forme les différents entretiens. Vous croyez peut-être que le but de l’auteur a été de nous faire un tableau intéressant de la vie rustique ? Point du tout. Marianne est une servante de cabaret, qu’un colonel veut violer, et, comme il n’en peut venir à bout, il la bat, et ensuite, pour réparation, il la mène à Paris et la fait aller à l’Opéra avec sa sœur. Cependant tous les attraits de Paris n’empêchent pas notre héroïne de retourner à la fin du roman dans son village, de reprendre ses habits de paysanne et d’épouser un valet de cabaret nommé Antoine, qui n’a jamais cessé de l’aimer. Et ce fond, si détestable par lui-même, est écrit et exécuté d’un style et d’un ton qui rendent Ergaste tout à fait