Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/203

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écrit et parle avec sérénité, lors même qu’il souffre de ces accès de mélancolie. Il partage depuis quelque temps son année entre le séjour de Paris et de Genève.

M.  Gazon-Dourxigné vient de nous faire présent de l’Ami de la vérité, ou Lettres impartiales, semées d’anecdotes curieuses sur toutes les pièces de théâtre de M.  de Voltaire ; brochure in-12 de cent quarante pages, dédiée à MM. les munitionnaires généraux des vivres des armées du roi. M.  Gazon‑Dourxigné a eu, pendant la guerre, un emploi dans les vivres ; mais MM. les munitionnaires l’ont réformé à la paix ; et ce pauvre diable, pour avoir été dans les vivres, n’en meurt pas moins de faim. Vous n’avez pas peut-être besoin de ses Lettres impartiales ; mais lui, il a besoin de votre argent pour porter du pain à une femme et à des enfants qui attendent après. Il passe en revue dans sa brochure toutes les pièces de M.  de Voltaire, il en fait l’éloge qu’elles méritent ; il en fait quelque fois la critique. Cela est d’une extrême platitude ; mais M. Gazon-Dourxigné meurt de faim.




1767

JANVIER

1er janvier 1761.

L’époque de la liberté helvétique, qui date du commencement du xive siècle, est un monument précieux du milieu d’un âge barbare où l’on ne sait ce qu’il faut le plus déplorer de l’aveuglement ou du malheur des peuples. Trois citoyens obscurs, Werner Stouffacher, du canton de Schwitz, Walther Furst, du canton d’Uri, et Arnould de Melchthal, du canton d’Unterwalden, osèrent former le généreux projet d’affranchir leur pays du joug autrichien, qu’Albert Ier, et les baillifs établis par son autorité, avaient rendu insupportable. La modération avec laquelle ce projet fut exécuté tient d’un héroïsme rare et peut-