Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/215

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importuneront pendant quelques mois. Il paraît déjà quatre feuilles en faveur de M.  Rousseau, toutes écrites détestablement par des polissons qu’on ne connaît point, et à qui la fainéantise, et vraisemblablement la misère, mettent la plume à la main. L’un a publié une Justification de Jean-Jacques Rousseau[1] ; un autre, un Précis pour M.  Rousseau[2] ; un troisième, des Réflexions posthumes sur le grand procès de Jean‑Jacques avec David[3] ; un quatrième s’appelle le Rapporteur de bonne foi[4]. Aucun n’a un seul fait nouveau à alléguer ; tous s’occupent à nous apprendre comment il faut voir les faits rapportés dans l’Exposé succinct de la contestation. Il y a, dans une de ces rapsodies, la Lettre d’une femme, anonyme aussi, en faveur de M. Rousseau, qui est encore plus bête que le reste de ce plat barbouillage.

Mais si les apologistes de M.  Rousseau m’ennuient avec leurs platitudes, je ne suis pas plus édifié des Notes qui viennent de paraître sur la Lettre de M.  de Voltaire à M.  Hume. Il fallait laisser cette Lettre comme elle est, et n’y pas revenir ; elle est fort gaie, et elle avait beaucoup réussi. Les Notes qu’on vient d’y ajouter forment un vilain et dégoûtant libelle, dicté par la passion, qui est toujours bête, et où l’on reproche à M.  Rousseau de vilaines choses qui, vraies ou fausses, ne doivent jamais souiller l’imagination et la plume d’un honnête homme. L’auteur de ces Notes se fait d’ailleurs très-indiscrètement le défenseur de M.  Tronchin, de M.  Helvétius, de beaucoup d’autres honnêtes gens qui ne l’en avaient pas chargé : suivant la morale des procédés, il ne faut prendre en main que la cause de ceux qui vous ont choisi pour avocat. M.  le marquis de Ximenès, qui a fait les honneurs de ces Notes, dit tout haut qu’elles sont de M.  de Voltaire. Je suis au désespoir d’être obligé d’y reconnaitre son style et sa manière[5]. M.  Hume nous aurait épargné ces chagrins en gardant le silence sur sa tracasserie avec Jean-Jacques, qui,

  1. Justification de J.‑J. Rousseau dans la contestation qui lui est survenue avec M. Hume. Londres, 1766, in-12.
  2. Précis pour M.  Rousseau, en réponse à l’Exposé succinct de M.  Hume, suivi d’une lettre de Mme *** (La Tour-Franqueville) à l’auteur de la Justification de M. Rousseau. Paris, 1767, in-12.
  3. Paris, sans date, in-12.
  4. 1766, in-12. Par T. Verax.
  5. Beuchot, dans l’article Ximenès, qu’il a rédigé pour la France littéraire,