Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/245

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journal intitulé les Éphémérides du citoyen, petit homme décidant et tranchant, sont aussi de cette clique. La Philosophie rurale est le Pentateuque de ces messieurs. Outre cet ouvrage, M. Quesnay a fourni à l’Encyclopédie les articles Grains et Fermier. Voilà les autels que M.  de Forbonnais entreprend de saper et d’abattre dans son ouvrage. Cette hostilité va engager une guerre opiniâtre et terrible, et déjà les Éphémérides du citoyen se préparent à servir de champ de bataille.

M. de Forbonnais a d’abord établi des principes généraux de la science économique. Dans ces principes, il est concis, obscur et louche, suivant son usage. Ce sera le seul côté par lequel il se fera estimer de son adversaire. M.  Quesnay est non-seulement naturellement obscur, il l’est encore par système, et il prétend que la vérité ne doit jamais être dite clairement. Après ces principes, M.  de Forbonnais procède à l’examen du Tableau économique de ces messieurs, et des articles Grains et Fermier, et l’on ne peut nier que ses observations ne soient souvent excellentes, et qu’il n’ait taillé de la besogne à ses adversaires s’ils veulent y répondre. Ainsi, il y a là de quoi guerroyer pendant plus d’une campagne. Je suis de l’avis de M.  de Forbonnais dans son avant-propos. Il remarque que dans les siècles d’ignorance on ne remonte jamais aux causes, et les faits ne conduisent point à l’instruction ; dans les siècles éclairés, la philosophie généralise tout ; l’observation des faits est dédaignée, et le génie se livre aux paradoxes. Donc, je dis : la vérité n’est pas faite pour l’homme. J’ajoute qu’elle l’est moins dans la science économique que dans aucune autre, parce qu’il y a pour chaque effet un si grand concours de causes différentes, agissantes en sens divers et par différents degrés, qu’il est impossible d’en connaître l’influence et l’infinité de combinaisons avec une certaine exactitude. Au reste, le vieux Quesnay est un cynique décidé. M.  de Forbonnais n’est pas tendre : ainsi cette guerre ne se passera pas sans quelques faits d’armes éclatants.

On ne peut se dissimuler qu’il n’y ait beaucoup de rêveries dans les écrits du vieux cynique. Il dit, par exemple, quelque part dans son Tableau économique, ou dans son article Grains, qu’en suivant ses principes il se faisait fort d’augmenter tous les ans le produit de la culture en France de vingt-quatre millions de setiers de blé. Or, chaque pays nourri, on estime