Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il se fait en Europe, année commune, une exportation de dix millions de setiers de blé, dont sept sont fournis par Dantzick, et les trois autres millions par la Grande-Bretagne, la France, la Sicile, les côtes d’Afrique, etc. Je demande à M.  Quesnay, qui pousse d’un trait de plume sa culture en France à un petit surplus de vingt-quatre millions de setiers, ce qu’il compte en faire ? Puisque l’Europe entière n’a besoin pour vivre que d’une circulation de dix millions de setiers, il nous apprendra sans doute le secret de manger le double et le triple, le jour que, pour le bonheur de la France, il aura pris soin de sa culture. Je suis étonné que M.  de Forbonnais m’ait laissé faire cette petite observation à son antagoniste.

— On vient de faire une nouvelle édition de l’Abrégé chronologique de l’histoire et du droit public d’Allemagne, par M. Pfeffel, jurisconsulte du roi ; deux volumes in-8o. Cet Abrégé est un des meilleurs qu’on ait faits d’après celui de l’Histoire de France, par M.  le président Hénault. M.  Pfeffel, assez mauvais sujet, je crois, est Alsacien. Il a été employé quelque temps par la cour de France à Ratisbonne, sous le baron de Mackau. Il se brouilla avec lui, et n’osa revenir en France. Il s’en alla à Munich, se fit catholique, et abandonna la fille d’un ministre protestant d’Alsace, qu’il avait épousée quelque temps auparavant, et qui avait eu des enfants de lui. Je le crois toujours à Munich. On dit qu’il a beaucoup contribué à l’établissement de l’Académie électorale qui y a été instituée depuis quelques années.

M.  Anquetil, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, vient de publier l’Esprit de la Ligue, ou Histoire politique des troubles de France pendant les seizième et dix-septième siècles ; trois volumes in-12. Tout est Esprit en France, depuis que l’illustre président de Montesquieu a consacré ce mot. Ainsi M.  Anquetil appelle son Histoire l’Esprit de la Ligue, parce qu’il prétend y développer les causes et les ressorts secrets qui ont agi dans ces temps de malheur et de troubles ; mais, dans le fait, c’est pour faire remarquer son ouvrage par un titre à la mode. Il faudrait le génie de Tacite pour écrire ce morceau de l’histoire de France avec une certaine supériorité, et M.  Anquetil n’a pas ce génie-là. Ce n’est pas que pour un moine il n’ait écrit avec assez de sagesse et d’impartialité ; mais que me fait ce mérite