Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/247

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personnel et relatif à l’état de l’auteur, à moi qui ne veux lire que ce qui sera beau dans tous les temps, et indépendamment de toute considération personnelle ? Dans le choix, j’aime cent fois mieux un ouvrage du temps et de parti, qu’un froid appréciateur posthume, qui, balançant sur chaque fait les différents récits des auteurs contemporains, prétend m’indiquer la vérité comme par privilège exclusif. Premièrement un écrit de parti est ordinairement chaud, et la chaleur est une bonne chose ; en second lieu, il me laisse l’avantage de percer moi-même à travers le langage de la passion jusqu’à la vérité : opération satisfaisante pour une bonne tête, et sur laquelle on n’aime pas à s’en rapporter au premier venu. Il faut être un critique sublime pour me dédommager de ces deux avantages ; cette espèce d’hommes est très-rare, et M.  Anquetil n’est pas de cette espèce‑là. Il lui restait la ressource de m’’attacher par le style et par la manière ; mais son style est sans séve, sans vie, sans force, et aussi mauvais que ses principes. Je souhaite le bonsoir à M.  Anquetil, et je persiste dans l’opinion qu’un historien moine est un animal amphibie qui n’est bon ni à rôtir, ni à bouillir, à moins qu’il n’écrive l’histoire de son ordre ou la légende de quelque saint, auquel cas il a un droit bien acquis de placer son ouvrage dans le vaste recueil des absurdités humaines.

Conjecture sur l’esprit du clergé, puisque esprit y a : je suppose que Henri IV fût mort sans enfants, et que Louis XIII n’eût succédé qu’en qualité de plus proche héritier du trône, et que par conséquent la famille royale, qui occupe aujourd’hui le trône, ne descendit pas de Henri IV en ligne directe ; je dis et je soutiens qu’en ce cas les vertus de cet excellent prince seraient aujourd’hui presque oubliées, qu’il serait regardé comme semi-hérétique, que le clergé ne souffrirait son éloge qu’à regret, et que la passion des philosophes pour Henri IV serait un tort de plus qu’ils auraient, et dont on se servirait pour les dénoncer comme mauvais sujets du roi.

M. Anquetil a mis à la tête de son livre une notice raisonnée de tous les ouvrages qu’il a employés dans son Esprit de la Ligue. Cette notice est assez bien faite[1]. Vous trouverez parmi ces écrits une Histoire de l’origine et des progrès de la monarchie

  1. Elle a été rédigée par l’abbé Mercier de Saint‑Léger.