Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/253

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tant sur ce chapitre, et qu’il aura des occasions fréquentes de satisfaire, par ses décisions, les tendres mouvements de sa belle âme en faveur de l’humanité. Et vous voulez qu’en cet état de choses je croie à un amendement prochain opéré par les progrès de la philosophie ?

— Nous avons toujours une affluence de romans désolante. Les Mémoires de Mlle  de Valcourt, en deux parties, sont attribués à Mme  la présidente d’Arconville. Quoique la vertu et l’amitié y soient victorieuses, suivant l’avertissement de l’auteur, je dirai : Tant pis pour toute femme qui ne sait faire un autre emploi de son temps que d’écrire de semblables insipidités.

— Un certain M.  de La Grange[1], que je ne connais pas, vient de traduire un roman anglais, intitulé le Coche. Deux volumes in-12. Il a soin de nous prévenir qu’il a cru devoir y ajouter bien des choses, et en retrancher d’autres qui ne sont pas dans nos mœurs. C’est-à-dire qu’il a eu le bon esprit de supprimer ce qui seul pouvait être de quelque prix aux yeux d’un lecteur étranger. Il faut entonner sur ce M.  de La Grange le refrain du cantique de Collé : Ah ! l’hébété ! l’âne bâté ! etc. Il écrit d’ailleurs comme un fiacre. Je lui souhaite d’apprendre à mener de même : il ne traduira plus, et il deviendra un citoyen utile. Tous ces romans anglais qu’on nous traduit depuis quelque temps ne sont assurément pas bons ; mais on y trouve du moins une grande variété d’événements, avec un naturel qui fait moins regretter le temps qu’on leur donne que celui qu’on perd à lire nos insipidités françaises en ce genre.

— Les Lettres de Mme  du Montier et de la marquise sa fille, recueillies en deux volumes par Mme  Le Prince de Beaumont, composent un roman moral au profit de l’éducation des filles. C’est, je crois, une nouvelle édition, et ce beau livre a déjà paru il y a quelques années[2]. Je mettrai les Lettres de Mme  du Montier à côté de celles de la marquise de Crémy, et je plaindrai les jeunes personnes qui se formeront, suivant l’expression favorite de ces dames, l’esprit et le cœur dans de pareils livres, parce que je demeure convaincu que rien n’est plus à craindre pour la jeunesse que la platitude des lieux communs d’une morale ré-

  1. Papillon de Fontpertuis. Voir la lettre du 15 décembre suivant.
  2. Voir tome III, p. 351.