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ver de m. le marquis de vilette
à un anonyme qui lui avait adressé des vers
sur la querelle avec m. de lauraguais[1].

Monsieur l’anonyme badin,
On ne peut avec plus d’adresse,
De gaîté, de délicatesse,
Dire du mal de son prochain.
Votre muse aimable et légère
M’égratigne si doucement
Qu’il faudrait être fou vraiment
Pour aller se mettre en colère.
Recevez-en mon compliment.
Mais pourquoi votre esprit caustique,
Sur moi s’égayant sans façon,
M’accuse-t-il d’être hérétique
Au vrai culte de Cupidon ?
Avez-vous consulté Sophie,
Vous qui m’imputez ce péché ?
Vous sauriez que de l’hérésie
Je suis un peu moins entiché.
Charmé de cet air de tendresse,
Qui des amants flatte l’espoir,
J’ai souhaité voir la princesse
Passer du théâtre au boudoir.
Sur les tréteaux reine imposante,
Elle est ce qu’elle représente :
Mais on revient au naturel :
Chez elle libre, impertinente,
La princesse est femme galante,
Gentil ornement de bordel.
Oui, oui, la reine Marguerite
L’eût aimée autant que ses yeux ;
Elle en eût fait sa favorite ;
On doit ses contes amoureux
À son penchant pour la saillie ;
Elle aimait les propos joyeux ;
Les plus gros lui plaisaient le mieux :

  1. Cette querelle, dont Grimm n’a point parlé, est contée tout au long par Bachaumont (17, 21 et 22 août 1766) ; elle se termina par une réconciliation, mais aussi par la condamnation des deux adversaires à une détention de six semaines que leur infligea le tribunal des maréchaux de France.