Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/29

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langue, et on la verrait clouée publiquement sur un poteau pour apprendre à tous les orateurs à venir à respecter la vérité. »

J’ai entendu du Dauphin un éloge qui m’a plu, parce qu’il était vrai ; et en voici une courte analyse.

L’orateur n’avait eu garde de s’ériger en panégyriste. On peut être le panégyriste d’un roi ; mais il avait conçu que le rôle contraint, obscur, ignoré d’un Dauphin, réduisait l’orateur à celui d’apologiste ; et vous allez voir le parti qu’il avait su tirer de cette idée.

Il commençait par plaindre la condition des princes. Il faisait voir que tous ces avantages, qui leur étaient si fort enviés, étaient bien compensés par la seule difficulté de recevoir une bonne éducation. Il entrait dans les détails de cette éducation difficile, et il demandait ensuite à son auditeur ce qu’il aurait été, lui qui l’écoutait, ce qu’il serait devenu à la place d’un Dauphin.

Ensuite il rendait compte de l’emploi des journées du Dauphin. Il en parlait sans enthousiasme et sans emphase ; puis il demandait à son auditeur ce qu’il était permis de se promettre d’un prince qui avait reçu le goût des bonnes choses et celui des bonnes lectures.

Il peignait la dépravation de nos mœurs, il montrait la foi conjugale foulée aux pieds dans toutes les conditions de la société ; et il interrogeait son auditeur sur la sagesse et la fermeté d’un prince qui l’avait respectée à la cour. |

De là il passait à son respect pour le roi, à sa tendresse pour ses enfants et pour ses sœurs, à son attachement pour ses amis, à son caractère, à son esprit, à ses actions, à ses discours et à quelques autres qualités domestiques personnelles et bien connues ; et il en tirait les pronostics les plus heureux en faveur des peuples qu’il aurait gouvernés.

Il avait réservé toutes les forces de son éloquence pour le beau moment de la vie de son prince, celui où l’on vit sa patience dans les douleurs, sa résignation, son mépris pour les grandeurs et pour la mort.

Mort, il le montrait seul, abandonné, solitaire dans un vaste palais ; et il demandait aux hommes : Quelle différence alors du fils d’un roi et d’un particulier ?