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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

gation des docteurs en science absurde, dite Sorbonne, de livrer et substituer en enfer, au lieu et place de Marc-Aurèle et compagnie, ledit P. Bélisaire, aveugle, pour y être détenu jusqu’à l’arrivée de l’Antéchrist, laquelle un chacun sait être prochaine, si même il n’est déjà né, et ce en punition d’avoir par sa faute laissé entrer en paradis par fraude le susdit empereur et ses compagnons : estimant pour bonnes raisons n’y avoir aucun mal de damner un peu un vieux radoteur, rendu aveugle, suivant son propre dire, du fait d’un auguste et respectable vieillard dit Justinien, et y avoir au contraire un grand bien de procurer par cet expédient le repos et la paix au R. P. Marmontel à d’autant meilleur marché que la damnation du P. Bélisaire, accordée à la Sorbonne en réparation par le susdit Marmontel, ne faisait au bout du compte ni froid ni chaud a ce bon aveugle.

Mais n’a pas ledit P. Marmontel jugé a propos de suivre un avis charitable, et a mieux aimé se jeter aux pieds du révérendissime père en Dieu, l’archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pour lui confesser dans la sincérité de son cœur que, depuis l’âge de raison, il s’est toujours senti un penchant invincible pour la religion catholique, apostolique et romaine, et d’être le croyant le plus intrépide des diocèses de Paris et de Limoges. Laquelle confession ayant touché le cœur du prélat, Sa Grandeur a exigé dudit pénitent Marmontel de la consigner par écrit, ensemble les raisons sur lesquelles son vieux radoteur de Bélisaire prétend appuyer les propositions qui ont fait monter le fumet d’hérésie au nez du docteur Riballier et de ses confrères, pour le tout être remis à la Sorbonne en toute soumission par ledit pénitent, sous les auspices dudit prélat, en sa qualité de proviseur de la maison dite Sorbonne et composée de tous les aigles du monde Chrétien.

Et ledit pénitent Marmontel ayant travaillé nuit et jour a la confection de la soumise et respectueuse défense des sentiments de son aveugle, faisant en outre de fréquents actes de contrition, afin de détourner l’orage de la censure publique sorbonnique annoncée par le syndic Riballier, a néanmoins cru devoir exhiber avant tout sa dite défense à la confrérie des philosophes à laquelle il se disait réintégré et réagrégé par le baptême de la persécution dont il venait d’essuyer l’ondée. Et ladite cour des pairs, l’affaire mise en délibération et lecture faite de ladite