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AVRIL 1767.

défense, a déclaré l’habit vulgairement dit de saint François dûment pris et endossé par ledit capucin Marmontel ; et a néanmoins proposé pour le prix de philosophie morale de l’année prochaine la question : À quel point doit-il être permis à un philosophe de déguiser ses vrais sentiments, et lequel doit être préféré de mentir au Saint-Esprit contre sa conscience, ou d’attendre paisiblement, et sans bouger de son cabinet, la censure lancée par le corps des docteurs de la science absurde ?

Et pour traiter cette question avec toute la clarté dont elle est susceptible, observe ladite cour, à ceux qui voudront concourir, qu’elle a toujours estimé que ledit P. Marmontel, ayant rempli tous les règlements prescrits à la communauté des brasseurs pour le débit de leur bière, aurait dû se tenir paisiblement renfermé dans sa cellule, sans s’inquiéter des clabauderies de la meute dite de Sorbonne, lesquelles elle juge être nulles et de nulle conséquence, adoptant en tant que besoin l’observation du feu sieur Deslandes, imprimée en son Histoire de la philosophie, tome troisième, page 299, ou il est dit que la Faculté de théologie de Paris est le corps le plus méprisable du royaume. Ce que ladite cour estime être la seule vérité utile contenue dans ce mauvais livre du feu sieur Deslandes, dont le titre est ci-dessus mentionné.

Au lieu de ce qui vient d’être dit, le R. P. Marmontel ayant jugé à propos d’entrer en pourparlers, explications, interprétations, modifications avec ladite Sorbonne, le tout accompagné de force capucinades, actes de soumission et de contrition faits en présence de l’archevêque de Paris, n’ont pourtant toutes ces démarches et conférences produit d’autre effet que de faire enfin arrêter en Sorbonne irrévocablement au prima mensis du courant que ledit Petit Carême du P. Bélisaire, et nommément son sermon du quinzième chapitre, serait épluché, épousseté, éventé par une censure publique.

Et a été le R. P. Bonhomme, cordelier haut de couleur et connu par son attachement pour le bon vin et la saine doctrine, chargé par ladite Sorbonne, dont il est docteur, de composer ladite censure, laquelle étant déjà parvenue depuis quinze jours a six cents pages d’impression, occupera néanmoins ladite Sorbonne encore cinq ou six mois, à l’effet de rétablir la paix dans le monde Chrétien, de remettre toutes choses dans leur