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AVRIL 1767.

philosophe avait été si charmé de sa conversation qu’il alla l’embrasser et le serrer dans ses bras avec la plus grande cordialité, disant qu’il était enchanté d’avoir fait connaissance avec un homme aussi instruit et aussi aimable. Il nous conduisit jusqu’à l’escalier, et là nous eûmes, mot pour mot, le dialogue suivant qui me réjouit beaucoup.

Moi. — Ah çà, mon ami, vous direz ce que vous voudrez, mais vous viendrez avec moi un de ces jours chez le prince héréditaire de Brunswick.

Le Philosophe. — Vous me connaissez ; comment pouvez-vous me faire de ces propositions ? Je n’ai pas le sens commun avec les princes, vous le savez bien,

Moi. — Mais enfin, celui-ci désire vous voir.

Le Philosophe. — Mais moi, je ne le désire pas.

Moi. — Mais que voulez-vous donc que je lui dise ?

Le Philosophe. — Que je suis noyé.

Le Prince. — Il en serait sûrement au désespoir.

Moi. — Mais enfin s’il venait ici…

Le Philosophe. — Je n’y serais pas.

Moi. — Et s’il y était venu ?

Alors mon philosophe ouvrit de grands yeux, croisa ses bras sur sa poitrine, demanda pardon, et reçut du prince les marques les plus flatteuses d’estime et de satisfaction. Je voulus qu’il lui présentat sa fille ; mais c’était le saint temps du carême, et sa mère venait de l’envoyer à confesse. Ainsi le prince prit congé du philosophe après l’avoir comble de bontés et de politesses.

— Les fautes et les malheurs de l’amour intéresseront toujours en leur faveur. Un jeune mousquetaire, nommé M. de Valdahon, et Mlle de Monnier, fille du premier président de la chambre des comptes de Dôle, conçoivent l’un pour l’autre la passion la plus vive. L’opposition que Mlle de Monnier éprouve de la part de ses parents, qui veulent la forcer à un autre mariage, la détermine à tout tenter en faveur de son amant. Elle l’introduit plusieurs fois de nuit dans l’appartement où elle couchait à côté du lit de sa mère. Ce qui devait arriver arriva. Une nuit, la mère entend du bruit. Elle sonne et appelle ses gens. L’amant se jette hors du lit de sa maîtresse et se sauve comme il peut, Ses vêtements laissés dans ce désordre, et les aveux de sa maîtresse, découvrent toute l’intrigue. Cependant M. de Valdahon