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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

renverser la cité sainte ; nous l’avons vue, dis-je, se réveiller en sursaut, frapper à droite et à gauche, armer le bras spirituel et le bras temporel, lancer censures et décrets de prise de corps, et réussir par ce saint zèle à purger sa maison de tous gens suspects, à en chasser les pervers et à faire lever le siège à l’armée ennemie. En vain, pendant cette fameuse campagne, des gens malintentionnés ont-ils publié le Tombeau de la Sorbonne[1], comme si elle était décédée par mort violente ou naturelle dans le cours de ses travaux ; nul extrait mortuaire en bonne forme n’a constaté ce décès, et ce qui vient de se passer à l’égard de Bélisaire prouve bien que si la Sorbonne a sommeillé quinze ans de suite, ce n’est que parce que le danger était loin d’elle. À l’approche d’un corps d’hérésie sous les ordres des généraux Belisaire et Marmontel, elle s’est réveillée de nouveau, cette fille redoutable, et déjà ce corps est dispersé, et a été obligé de se replier dans les retranchements de la simple raison, sous le funeste canon de la tolérance. Trente-sept des plus hardies de ces hérésies ont été faites prisonnières de guerre en différentes escarmouches ; et la Sorbonne a nommé une commission composée de ses plus graves et plus doux docteurs pour être à ces hérésies leur procès fait et parfait, nonobstant clameur de haro, charte normande et lettres à ce contraires de la part de tous les gens à sens commun et à équité, vulgairement dits gens de bien.

L’Indiculus que la Sorbonne fait imprimer pour servir de guide aux commissaires et où les trente-sept hérésies sont exposées au grand jour s’est à la vérité répandu dans le public contre ses intentions et malgré elle ; mais le déplaisir que la publication de cet Indiculus a causé à la sacrée Faculté prouve avec quel soin elle cherche à nous préserver de tout venin quand elle n’en peut présenter le contre-poison en même temps. Qu’elle se rassure, cette mère trop aisément inquiète sur le compte de ses enfants. Il n’est personne qui n’ait frémi en lisant l’Indiculus, et en y voyant les trente-sept hérésies avec leurs boucliers couverts d’horribles devises. L’une de ces devises dit : La vérité luit de sa propre lumière ; et on n’éclaire pas

  1. Voir sur ce pamphlet, écrit ou tout au moins revu par Voltaire, le n° 208 de la Bibliographie voltairienne de Quérard.