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JUIN 1767.

les esprits avec la flamme des bûchers. Une autre : Les esprits ne sont jamais plus unis que lorsque chacun est libre de penser comme bon lui semble, Une troisième : Je pense que Dieu ne punit qu’autant qu’il ne peut pardonner ; que le mal ne vient point de lui, et qu’il a fait au monde tout le bien qu’il a pu. Une quatrième : Si l’on m’objecte que je sauve bien du monde, je demanderai : Est-il besoin qu’il y ait tant de réprouvés ? Toutes les trente-sept portent des devises conçues dans cet esprit abominable, et tout le monde a senti avec autant d’indignation que de frayeur que si jamais ces maximes affreuses venaient à se glisser et s’accréditer parmi les peuples, il en pourrait résulter une douceur de mœurs générale, très-préjudiciable aux droits et prérogatives de l’Église et de ses ministres. Aussi tous ceux qui pensent bien, c’est-à-dire comme la sacrée Faculté, attendent avec la dernière impatience sa censure qui doit réduire ces trente-sept hérésies en poudre, et les proscrire comme tendantes à rendre les princes plus éclairés et moins sots, et les peuples plus sages et soumis à l’autorité légitime sans l’intervention du prêtre ; à diminuer le poids du sacerdoce, et par conséquent le respect du au bonnet carré de la Sorbonne ; à en rendre la recherche moins appétissante ; à arrêter dans sa source et anéantir une circulation de trente a quarante mille lettres de cachet distribuées gratuitement, et ce chaque année, par la munificence du gouvernement, pour cause de protestantisme, jansénisme, molinisme, suivant que le vent souffle : stagnation pernicieuse dans un État entièrement fondé sur les principes de circulation ; et à favoriser enfin l’importation de ces maximes impies de tolérance qui se répandent aujourd’hui en Europe si généralement, au grand scandale et au plus grand préjudice de l’Église notre mère, et dont les auteurs osent pousser l’audace jusqu’à persuader qu’on peut être honnête homme, bon citoyen, fidèle sujet, sans aller la messe.

La gloire immortelle que la Sorbonne acquerra par cette censure moderée et par la proscription nécessaire d’aussi affreux principes rejaillira principalement sur son syndic actuel, le docteur Riballier, dont le nom dérive de ribaud, suivant l’opinion des meilleurs grammairiens du siècle. Ce vigilant docteur a suivi l’hérétique et erroné Marmonlel à la piste, a dechaîné toute la meute théologique après lui, et ne lâchera prise que