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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

sans renoncer au métier d’auteur-compilateur, a publié l’année dernière un Dictionnaire du vieux langage français, enrichi de passages tirés de manuscrits en vers et en prose, des actes publics, des ordonnances de nos rois, etc. Volume grand in-8° de cinq cents pages. Il vient de donner a cet ouvrage un supplément en un volume de même format, de cinq cent soixante pages. L’auteur a dédié ce supplément a la ville d’Avignon, sa patrie. Cet ouvrage, tel qu’il est et avec les défauts qu’il peut avoir, est utile et nécessaire. On ne voit pas que M. de Sainte-Palaye se presse de publier son Glossaire pour lequel il a cependant demandé et obtenu d’être de l’Académie française. Cela s’appelle se faire payer d’avance ; mais encore faut-il laisser sa marchandise quand on en a reçu le prix.

M. Chauveau vient de faire imprimer l’Homme de cour, comédie en cinq actes et en vers. L’auteur dit dans sa préface que les Comédiens lui ont gardé sa pièce quinze mois, et il n’a pas voulu comprendre cette réponse. Las d’espérer, de se plaindre, d’attendre une lecture, il a pris le parti de retirer sa pièce et de la faire imprimer ; il n’a pas prévu que c’était justifier pleinement les Comédiens de leur peu d’empressement. Plût à Dieu, pour la réputation de M. Chauveau, que son Homme de cour se fut éclipsé avec les Illinois, à la mort du dernier souffleur de la Comédie ! Cet homme de cour est un de ces agréables qui mériterait la corde, ainsi que sa créature, M. l’abbe d’Orcy, qui joue un grand rôle dans l’intrigue de cette détestable pièce. Ce pauvre M. Chauveau ne sait pas que les scélératesses se commettent tout autrement à la cour que dans les carrefours ou sur les grands chemins.

M. Araignon, qui nous à déjà donné une tragédie du Siège de Beauvais, vient de faire imprimer aussi une comédie en cinq actes et en prose, intitulée le Vrai Philosophe.M. Araignon ne fait pas comme M. Chauveau ; il ne porte pas ses pièces aux Comédiens ; il les porte à l’imprimeur, qui les envoie directement à l’épicier. Je ne sais si son philosophe est le vrai philosophe ; mais je sais bien que lui n’est pas le vrai poëte. Il faut aussi qu’il ne soit pas le vrai avocat, quoiqu’il se qualifie d’avocat au Parlement ; car s’il avait le moindre procillon à plaider, il ne perdrait pas son temps a faire de mauvaises pièces qu’on ne peut ni lire ni jouer.