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JUILLET 1767.

fils d’un coup de poignard, et de lui assurer par une mort prématurée un sort sinon heureux, au moins exempt de revers. Le réveil de l’enfant et sa naïve inquiétude l’empêchent d’exécuter ce dessein. Voilà l’épisode dont M. Saurin a enrichi la pièce anglaise, mais qui ne lui appartient pas, car je ne sais plus en quelle pièce ou en quel roman je l’ai vu. M. Saurin a écrit sa pièce en vers libres. Il ne l’a pas encore portée à la Comédie-Française. Il balance entre le parti de la faire jouer ou de la faire imprimer sans la présenter au théâtre. En attendant, elle vient d’être jouée a Villers-Cotterets, sur le théâtre de M. le duc d’Orléans, par une troupe composée de seigneurs et de dames, parmi lesquels il y a de très-bons acteurs. Mme la marquise de Montesson et Mme la comtesse de Blot ont joué avec beaucoup de succès les rôles de femme et de sœur du joueur. On se prépare à jouer cette pièce sur quelques autres théâtres de société ; mais à ne recueillir les voix que dans la salle de Villers-Cotterets sur le succès et l’effet de cette tragédie, il me semble qu’on doute fort qu’elle réussisse sur le théâtre de la Comédie-Française, si M. Saurin se détermine à la faire jouer.

— On apprit, il y a quelques mois, que M. Rousseau avait écrit à M. le général Conway pour lui demander la pension du roi d’Angleterre sur laquelle il n’avait pas pu prendre un parti définitif l’année dernière durant ses tracasseries avec M. Hume. Le secrétaire d’État a prévenu le philosophe d’Écosse de cette démarche de l’orateur allobroge, et lui a demandé s’il n’avait point d’objections à y faire. Le philosophe d’Écosse, bien loin de s’y opposer, a supplié le secrétaire d’État de vouloir bien procurer au suppliant genevois cette grâce de Sa Majesté. En conséquence, le roi d’Angleterre accorda à M. Rousseau une pension annuelle de cent livres sterling. Peu de temps après, M. Rousseau quitta brusquement et impunément son hôte M. Davenport, en laissant pour lui une lettre pleine d’injures et d’invectives. Il écrivit aussi au chancelier d’Angleterre, pour lui demander une sauvegarde, afin de pouvoir sortir en sûreté du royaume. Le chef de la justice lui répondit que les lois étaient en Angleterre une sauvegarde sûre et suffisante pour tout citoyen. Voilà du moins ce que les papiers anglais ont rapporté. Ce qu’il y a de certain, c’est que M. Rousseau a débarqué