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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

le petit Bambini, alors âgé de dix ou douze ans, fut laissé à Paris par son père, dans l’espérance sans doute qu’il achèverait un jour l’œuvre de Dieu ou la révolution. Mais l’esprit divin s’est retiré de cet enfant, et le don prophétique et apostolique s’est répandu sur Philidor et d’autres ouvriers que Dieu a choisis, en ces derniers temps, pour ouvrir l’oreille de son peuple.

La troupe italienne du même théâtre a donné une farce intitulé le Turban enchanté, qui a beaucoup réussi. Arlequin, mis en possession de ce turban par un magicien, l’emploie pour réussir dans ses amours. La première moitié de cette pièce est très-vive, et la dernière a plu par un escamotage très-prompt de cinq ou six habits que M. Arlequin-Garlin a sur le corps et qui n’amincissent pas sa taille.

M. Collé, lecteur de M. le due d’Orléans, paraissait avoir renoncé au dessein de faire imprimer ses pièces de théâtre successivement sous le titre de Théâtre de société. Le peu de succès de la Veuve et du Rossignol pouvait l’en avoir dégoûté ; mais il vient de le reprendre, en publiant son Galant Escroc qui doit former avec ses autres pièces imprimées le premier volume, et ce premier sera suivi d’un second volume de pièces qui paraîtront l’année prochaine toutes à la fois. Aucune de ces pièces n’a pu être jouée sur nos théâtres publics, parce qu’elles sont trop libres. On peut faire entre M. Collé et M. Sedaine le parallèle que M. Diderot a fait, pour son Salon de 1765, entre Baudouin et Greuze. Le premier est peintre de gravelures et de libertins, le second, peintre de bonnes mœurs et d’honnêtes gens. Les mœurs de Collé sont vraies, mais ce sont les mœurs corrompues de Paris ; les mœurs de Sedaine sont vraies et bonnes, et sont celles que vous désirez à votre femme, à votre fille, à votre maîtresse. Sedaine a aussi plus de génie, plus d’invention, plus de force comique ; Collé n’est ordinairement plaisant que par la tournure du dialogue et même des mots. Collé est infiniment au-dessus de Vadé, mais Sedaine est infiniment au-dessus de Collé. La comédie du Galant Escroc est tirée du conte de La Fontaine qui a pour titre À Femme avare, galant Escroc. Elle est en un acte et en prose. C’est la meilleure pièce de celles que Collé a imprimées. Le rôle de la femme, celui du mari, celui du galant, sont très-plaisants. Les mœurs de cette pièce sont très-dépravées. On en peut voir, je pense, une dans ce goût-là en pas-