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JUILLET 1767.

compté. Il faut nous arrêter ici, et reprendre la Défense de mon oncle à la première fois. En attendant, abandonnons les sept premiers chapitres de cette Défense au profit de M. l’abbé Larcher. Le neveu de feu M. l’abbé Bazin y traite de la Providence, de la fornication, de la sodomie, de l’inceste, de la bestialité, toutes matières excessivement délicates, sur lesquelles les principes de M. le neveu et de M. Larcher ne s’accordent pas toujours.

— On a donné aujourd’hui, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, un ancien opéra-comique de feu M. Vadé, intitulé Nicaise, et mis en musique pour la première fois : car dans le temps de sa nouveauté on le chantait en vaudevilles sans musique ; mais heureusement le vaudeville, plus contraire encore au bon goût qu’aux bonnes mœurs, a été banni du théâtre par l’opéra-comique, que M. Sedaine a créé en France depuis environ dix ans. Ce Nicaise est le conte de La Fontaine mis au théâtre. M. Collé a traité le même sujet d’une manière plus libre ; sa pièce, que j’ai vu jouer sur le théâtre de M. le duc d’Orléans à Bagnolet, n’est point imprimée. Vadé n’avait point de talent. Il réussissait dans le genre grivois et poissard, que la verve seule peut rendre supportable à un homme de goût. Mais Vadé n’avait nulle verve ; tout ce qu’il savait, c’était de se mêler dans les marchés et autres lieux publics parmi la plus basse populace, d’en étudier le jargon, et d’en placer les dictons tant bien que mal dans ses pièces. Son Nicaise est fort mauvais, sans sel, sans esprit, sans force comique. Un jeune musicien appelé Bambini a fait arranger les paroles et les a mises en musique. Cet essai n’a point réussi, parce que la pièce est détestable, et que le musicien n’a ni coloris ni idées. Il n’a sur les musiciens français que l’avantage de l’école, c’est-à-dire de savoir arranger sa partition avec plus de goût et de pureté, et de ne point produire ses effets à force de solécismes. Mais cela ne suffit point pour réussir, surtout dans un pays où le mérite de la pureté du style musical est encore absolument ignoré. Ce Bambini est fils du directeur de cette mauvaise troupe de bouffons italiens qui, en 1752, pensèrent culbuter toute la boutique de l’Académie royale de musique. Lorsque l’esprit conservateur de la France, pour perpétuer l’ennui de sa musique, fit chasser les bouffons en dépit du coin de la reine.