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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

nulle suite, et le livre meurt au milieu des éloges qu’il reçoit ; c’est ce qui est arrivé à la Sociabilité de M. l’abbé Pluquet. L’auteur croyait cependant que cet ouvrage manquait au monde. S’il avait étudié son droit naturel dans quelque université protestante en Allemagne, il aurait vu qu’il n’y a point d’écolier à qui on n’explique les idées de son livre dans un meilleur ordre, avec plus de justesse et de clarté : car il n’a pas même le mérite de la méthode, qui au moins devrait être exclusif aux écrivains médiocres. Il n’a pas non plus le mérite d’un style exact, concis, correct. Ne perdez pas, je vous en conjure, votre temps avec la Sociabilité de M. l’abbé Pluquet. J’oubliais de vous dire qu’il n’a pas non plus le mérite d’un brin de philosophie ; mais cela est tout simple : M. l’abbé Pluquet fait des livres pour avoir des bénéfices. C’est son premier but ; les autres sont tous subordonnés à celui-là. Il est un de ces barbouilleurs qui publient tous les deux ou trois ans un livre dans lequel ils rabâchent ce que les autres ont pensé. Nous lui devons déjà un Examen du fatalisme et un Dictionnaire des hérésies, il voudrait qu’on établit en France des écoles de morale et de politique. Je l’en fais premier pédagogue, à condition qu’il n’imprime plus rien. Il peut pourtant compter qu’aussi longtemps que les prêtres auront en ce bon royaume voix au chapitre, l’étude du droit naturel sera tacitement regardée comme contraire a la tranquillité de l’Église et de l’État. Sans la réformation du xvie siècle, je soutiens qu’il n’existerait pas une seule chaire de droit naturel en aucune université de l’Europe, et que le droit canon n’aurait jamais laissé expliquer le droit des gens.

M. Descamps, peintre du roi, de l’Académie royale de peinture, a fait un Discours sur l’utilité des établissements des écoles gratuites de dessin, en faveur des métiers, et ce discours a remporté le prix dont on a laissé la disposition au jugement de l’Académie française. Ces écoles gratuites de dessin en faveur des métiers ont été établies depuis peu sous l’autorité de M. de Sartine, lieutenant général de police, et sous la direction de M. Bachelier, peintre du roi. Il me semble qu’il était assez superflu de démontrer leur utilité par du verbiage ; personne ne peut en douter. Elles seront même utiles à M. Bachelier, parce que la plupart des élèves voudront perfectionner par des leçons particulières et bien payées ce qu’ils auront appris dans le