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SEPTEMBRE 1767.

SEPTEMBRE.

1er septembre 1767.

On a donné sur le théâtre de la Comédie-Française, le 26 du mois dernier, la première représentation de Cosroés, tragédie nouvelle par M. Le Fèvre. Tout ce qu’on connaît de ce M. Le Fèvre, c’est une ode sur la mort de M. le Dauphin ; or comme je me flatte que vous ne lisez pas les odes, il faut vous faire connaître M. Le Fèvre l’odaïque par son coup d’essai dramatique.

Avant la première représentation de sa pièce, l’auteur a eu l’attention de prévenir le public dans les feuilles hebdomadaires que son Cosroès n’a rien de commun avec celui de Rotrou, excepté le nom. Son sujet est tout entier d’imagination : liberté que M. de Voltaire a introduite sur la scène française au grand détriment de l’art, et dont tout écolier qui sait accoupler des vers se croit en droit d’user pour nous ennuyer de ses inepties. Remarquez que les sujets d’invention manquent presque toujours de couleur et de force dans les détails. Dans un sujet historique, l’histoire même fournit presque tous les traits des principaux personnages, et un poëte habile n’est embarrassé que du choix ; dans un sujet d’imagination, l’auteur est obligé de tout créer, et nos poëtes n’ont que trop prouvé, ce me semble, qu’ils ne possèdent pas le secret de Dieu, qui consiste à faire quelque chose de rien. M. Le Fèvre pouvait se dispenser d’en administrer une nouvelle preuve pour son Cosroès, monarque asiatique, contemporain de l’empereur Justinien. Commençons par faire connaissance avec les principaux personnages de cette tragédie ; les subalternes passeront en revue à mesure qu’ils se présenteront.

Cosroès, qui donne le nom à la pièce, est un roi persan ou arabe, car le nom de son empire et de sa résidence m’a échappé au milieu de toutes les conspirations auxquelles ce pauvre roi est exposé. Il est l’adorateur du soleil, fidèle au culte de ses pères ; mais son empire est inondé de chrétiens, et ces chrétiens