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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

savoir, que les gardes de Cosroès arrivent pour s’assurer de la personne de Mirzanès. Il est arrêté, et Phalessar sent qu’il faut prendre d’autres mesures.

Acte troisième. — Cosroès, entouré de ses gardes, paraît, suivi de Phalessar, qui lui demande pour toute grâce de l’entendre. Cosroès n’y est guère disposé. La conspiration est découverte. On a des preuves que Mirzanès est un des principaux chefs. Ils sont tous pris. On sait encore que ce Memnon qui a dénoncé Mirzanès est lui-même un traître. C’est le seul qui se soit derobé par la fuite. Enfin, à force d’insister, Phalessar obtient de Cosroès un instant d’audience. Les gardes sont éloignés, et le vieillard reste seul avec le roi.

Alors le vieux chrétien découvre à son prince avec beaucoup de componction la fourberie dont il s’est rendu coupable par l’escamotage de l’heritier de l’empire qu’il a fait passer pour mort, afin de pouvoir en faire un bon chrétien ; et ce bon chrétien se trouve actuellement dans les fers pour avoir voulu assassiner son père sans le connaître, et son roi en le connaissant très-bien. Et admirez la bonhomie de ce Cosroès qui passe pour si sévère, et qui ne fait pas le moindre reproche sur ce petit crime d’État à son sujet coupable ! Je suppose que le comte de Saxe eût trouvé moyen d’enlever M. le Dauphin en 1730 ; de le faire passer pour mort, de l’envoyer à l’Université de Leipsick, et de le mettre en pension chez M. le docteur Klausing, ou chez M. le surintendant Deyling, deux flambeaux théologiques éclairant alors la Saxe orthodoxe. Je suppose qu’après la paix de 1748 le comte de Saxe, plein de gloire, ayant gagné plus de batailles au roi que ce pauvre diable de Phalessar n’en a vues en sa vie, eût fait venir son petit pensionnaire en France sous le nom d’un de ses neveux ou d’un enfant trouvé. Je suppose que cet enfant, devenu, moyennant la grâce de Dieu et les soins du célèbre docteur Klausing, bon et zélé protestant, eût trouvé fort mauvais la révocation de l’édit de Nantes et quelques autres arrangements pris en ce royaume contre la religion protestante. Je suppose que l’enfant trouvé, pour inspirer au roi de meilleurs sentiments à cet égard, eut formé avec quelques bandits le dessein de l’assassiner. Je suppose que ce complot eût été découvert, et qu’on eût mis l’enfant trouvé à la Conciergerie pour être exécuté en place de