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SEPTEMBRE 1767.

Grève, et que le comte de Saxe eût été trouver le roi pour lui confier que ce petit personnage entreprenant est M. le Dauphin, qu’on a cru mort mal à propos depuis vingt ans. Je suppose… Mais je vous entends crier que je suis fou à lier avec mes suppositions. Eh ! comment appellerez-vous le public qui écoute de pareilles impertinences sur le théâtre de la nation, et qui les applaudit ? Croyez-vous de bonne foi qu’on puisse les entendre et les souffrir impunément, et que le goût public soit en bon chemin quand il en est là ?

Cosroès se rappelle apparemment les victoires de Phalessar pour lui passer en ce moment la petite tricherie ; il n’exige de lui qu’une chose, c’est de ne révéler ce secret ni à Mirzanès ni à Amestris, à qui que ce soit au monde. Après quoi il ordonne qu’on lui amène Mirzanès.

Dans l’intervalle, il se parle à lui seul, et l’on croit un moment qu’il a quelque grand et merveilleux projet dans la tête, en voulant ainsi que ce secret demeure inconnu ; mais on est bientôt désabusé. Mirzanès paraît en effet au milieu des gardes et accompagné du vieux chrétien Phalessar. L’entretien de Cosroès avec le coupable est d’une longueur démesurée. Mirzanès est étonné de trouver le roi si doux et si mielleux envers lui. Il se sent aussi je ne sais quoi de tendre pour ce Cosroès, qu’il avait cependant si bien juré de tuer. Phalessar, en proie à la crainte et à l’espérance, attend à tout instant une reconnaissance touchante, un dénoûment favorable ; et moi, plus cruellement que lui en proie à un ennui dévorant au milieu des applaudissements d’un parterre imbècile, j’attends que tout cela finisse d’une manière quelconque : lorsque Cosroès, pour tout résultat, s’en lient à conseiller à Mirzanès avec beaucoup d’amitié et de douceur d’aller au supplice de bonne grâce et sans faire l’enfant. C’est que le roi se souvient du serment qu’il a fait, de n’épargner aucun des coupables. À cet arrêt si sévère, la patience échappe à Phalessar. Il va découvrir à Mirzanès sa naissance ; mais les gardes ont déjà entraîné ce jeune criminel et prévenu ainsi la confidence. Phalessar n’a que le temps de crier à Amestris qui survient : « Reine, c’est votre fils qu’on mène au supplice ; » et celle-ci n’a pas besoin d’autre explication pour en être entièrement convaincue.

Acte quatrième. — Malgré les indiscrétions de Phalessar