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OCTOBRE 1767.

amélioration dans la culture des terres. Que le gouvernement abroge la taille arbitraire, qu’elle devienne réelle et invariable, qu’il ne dépende plus d’un subddélégué, d’un commis, d’augmenter ou de diminuer la part de chaque contribuable, suivant ses lumières ou son caprice, ou même sa passion ; que cette taxe reste assise sur le champ, sans égard aux personnes ; qu’elle soit forte, si vous voulez, même exorbitante, mais qu’elle ne puisse hausser ni baisser pour un champ. sans que les autres du même district subissent la même loi ; et par cette seule opération, le gouvernement aura assuré au cultivateur l’état le plus heureux et le plus florissant, et celui-ci se passera volontiers de toutes les savantes productions de nos laboureurs en chambre ; et s’il avait du temps de reste pour lire nos livres d’agriculture, ce ne serait assurément pas pour s’instruire, mais pour hausser les épaules sur les bévues, les inepties et les pauvretés dont ils sont remplis.

Indépendamment des sociétés royales que le gouvernement autorise et protège, il s’est formé dans Paris une société de cultivateurs, d’économistes politiques, qui n’ont écouté que la vocation de leur patriotisme, et qui n’ont d’autre titre de s’occuper de la chose publique que le zèle pour son bien. Les colonnes de cette société sont le vieux docteur Quesnay, médecin, et M. le marquis de Mirabeau, connu sous le nom de l’Ami des hommes, parce qu’il a intitulé ainsi un de ses ouvrages. Un jeune homme, M. Dupont, et un prémontré, appelé l’abbé Baudeau, sont les principaux apôtres de cette école. On a fait tout ce qu’on a pu pour lui donner un air de secte ; elle a son culte, ses cérémonies, son jargon et ses mystères. Quesnay s’appelle le Maître, d’autres s’appellent les Anciens ; l’économie rurale, s’appelle la science par excellence. Tous les mardis on s’assemble chez M. de Mirabeau. On commence d’abord par bien dîner ; ensuite on laboure, on bêche, on pioche, on défriche, et on ne laisse pas dans toute la France un pouce de terrain sans valeur ; et quand on a bien labouré ainsi pendant toute une journée dans un bon salon bien frais en été ou au coin d’un bon feu en hiver, on se sépare le soir bien content et avec la bonne conscience d’avoir rendu le royaume plus florissant.

Je ne blâme pas cet enthousiasme et cette confiance un peu comiques. Je conviendrai volontiers que ce sentiment ne peut