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OCTOBRE 1767.

plus transi que lui, ces deux amoureux nous gèleront cet hiver infailliblement. Deux petites filles prussiennes, âgées de sept et huit ans, dansent, depuis quelque temps, sur ce théâtre avec beaucoup de succès. Leur père s’appelle M. Le Fèvre.

— On a fait à Paris une édition de Charlot, ou la Comtesse de Givry, nouvelle pièce dramatique en vers et en trois actes, représentée sur le théâtre de Ferney. Le nom de M. de Voltaire fera enlever cette édition bien vite, mais c’est peu de chose. Ce n’est pas tant le mauvais qui choque dans cette pièce que l’absence du bon. Le rôle de Guillot est cependant bien bas et de bien mauvais goût, et celui de Babet ne vaut pas grand’chose. Ma foi, rien ne vaut, dans cette pièce, que l’auteur aurait pu intituler la Force du naturel. Destouches a fait sur la fin de sa vie une mauvaise comédie sous ce titre ; mais, chez lui, c’est deux filles qu’on a échangées en nourrice ; ici, c’est deux garçons. Quoique ce fond soit mauvais et aussi peu philosophique que peu naturel, je sens pourtant que M. Sedaine, s’il l’avait entrepris, en aurait fait une pièce charmante ; mais c’est qu’il y aurait mis sa force comique, son naturel, sa vérité, ses mots précieux ; il n’y a rien de tout cela dans la pièce de l’illustre patriarche. On voit bien cependant quelle vient d’une main accoutumée à tailler des pièces pour le théâtre. On voit aussi que la Partie de chasse de Henri IV, par Collé, a fait faire la comtesse de Givry. Il est très-bien que, dès le commencement de la pièce, il soit toujours question du roi, qu’on l’attende toujours, qu’il soit, pour ainsi dire, le principal personnage, et qu’il ne paraisse pas. Cela est fait avec esprit. Nos mœurs sont si mesquines, ou bien nos représentations théâtrales sont si éloignées de la vérité, qu’on n’a encore su mettre un roi en comédie sans le rendre plat et maussade.

M. l’abbé Gougenot, conseiller au grand conseil, honoraire de l’Académie royale de peinture et de sculpture, vient de mourir dans un âge peu avancé. Il était l’ami intime de Pigalle et le fournisseur des idées de ses monuments.

— Jean-Baptiste Massé, peintre du roi, conseiller de l’Académie royale de peinture et de sculpture, est mort aussi, âgé de plus de quatre-vingts ans. Cet artiste excellait en son temps dans la miniature, et les portraits qu’il a faits sont fort estimés des connaisseurs. C’est lui aussi qui a fait graver sur ses dessins