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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

nations n’est pas la même qu’entre particuliers. Celle-ci n’est pas variable. Votre parole est inviolable, vous en êtes esclave lors même qu’elle devient par le changement des circonstances directement contraire à votre intérêt. C’est que votre intérêt à vous particulier, proprement dit, n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant pour vous. Il n’en est pas de même d’une nation. Sa parole donnée finit avec son intérêt, et est enfreinte infailliblement le moment après et sans injustice, quoi qu’en disent les docteurs. Dans l’espace de vingt années la cour de Vienne a signé trois traités éternels par lesquels elle cède au roi de Prusse la Silésie à perpétuité. Si le prince de Prusse, après la mort de son oncle — que Dieu conserve ! — veut s’en rapporter à ces trois traités éternels, et en conséquence licencier ses troupes, changer de système, négliger ses alliés, se mettre en un mot hors de défense, il verra ce que c’est que l’éternité de ces traités, et le prémontré prouvera sans doute, le mardi après la prise de Breslau, d’une manière victorieuse que si la maison d’Autriche s’était gouvernée suivant les principes de l’évidence, elle aurait religieusement gardé sa parole.

Je suis las de ces inepties. Il serait bien à désirer que quelque homme de génie ou quelque excellent esprit voulut en dépouiller une bonne fois la science du droit public et la mettre au niveau du ton et de la philosophie de son siècle. À défaut d’un créateur ou d’un restaurateur de cette science, je tenterais infailliblement cette entreprise au-dessus de mes forces s’il m’était permis de m’affranchir de mes occupations pendant quelques années.

— Le 4 de ce mois, jour de saint François, la fête du grand patriarche a été célébrée à Ferney par sa nièce, Mme Denis, et les poëtes commensaux, en présence du régiment de Conti et de tous les notables du pays de Gex. La relation que j’ai vue de cette fête ne parle à la vérité ni de grand’messe ni de Te Deum chantés le matin dans la chapelle du château ; mais en revanche on a joué et chanté le soir sur le théâtre du château. La fête a été terminée par un feu d’artifice, un grand souper, et un bal qui a duré fort avant dans la nuit, comme disent les gazetiers, et ou le patriarche a dansé, suivant sa coutume, jusqu’à deux heures du matin. Les deux pièces qu’on a représentes sont la Femme qui a raison et Charlot, ou la Comtesse de Givry. C’est la nou-